Par Khaled TEBOURBI Deux curiosités en cette veille de législatives : Un : tous ne parlent que de présidentielles. Deux : peu, très peu font mention à la culture. Politologues et psychologues (associés !) nous expliqueront sûrement mieux cet intérêt abusif pour les présidentielles. Que diraient-ils ? Probablement que c'est tactique électoraliste ; mais peut-être encore que c'est affaire de mentalité : nous préférons les «califes» aux parlements. C'est ainsi ! Pourquoi nos principaux partis ne font-ils pas grand cas de la culture ? Il y a une réponse de «bon sens» que tout le monde adopte volontiers : l'urgence est ailleurs, dans le chômage, dans les régions, dans l'économie avant tout. Soit, mais il y a culture et culture. S'il s'agit de la seule activité des arts et des artistes, oui, à la rigueur, pour «l'omission».Pour donner des emplois aux jeunes, on peut (on doit) bien consentir des sacrifices du côté de la musique, du théâtre ou du cinéma. Mais le problème, toujours dans nos contrées, est qu'on ne regarde presque jamais à la culture comme anthropologie, comme mœurs, comme niveau d'instruction, comme mode de vie et mode de penser, comme perception sociétale, comme conscience citoyenne... Ces points sont fondamentaux, ils décident, en fait, de tout, pas que du «prestige» de nos pays, mais, précisément, de leur progrès social, de leur équilibre politique, voire de la bonne santé de leur économie. C'est la pire négligence que d'ignorer ces aspects essentiels de la culture. Et une classe politique, qui affiche ses programmes en n'en tenant pas compte, se prive, d'avance, de toute efficacité. Non : la culture pour laquelle on doit craindre et vraiment se battre, ici et maintenant, dans cette Tunisie, «surfragilisée», de la révolution, n'est nullement (encore) celle des arts et des spectacles, celle des festivals et des festivaliers, mais bel et bien la culture dont nous manquons déjà et qui vient terriblement, et de plus en plus, à nous manquer :celle du bien-vivre et du bien-penser, celle de la citoyenneté et de la modernité. En un mot, la culture, seule, sur laquelle s'édifient les peuples et les nations. Bientôt, sous peu, nos principaux partis entreront en campagne. Le plus probable est qu'ils feront des promesses et qu'ils couvriront d'éloges leurs éventuels électeurs. C'est, à leurs yeux de politiciens «rodés», l'unique voie de «salut». Autrement dit, il va leur falloir, pour gagner les élections, mentir, encore une fois, aux Tunisiens. Surtout, leur dissimuler leurs pires défauts, ceux qui leur ont causé autant de torts : ces naïvetés sans fin, ces nostalgies d'un autre âge, ces excès infantiles de liberté, cette indiscipline dont on ne voit plus le bout, ces brusques «irruptions» d'arrogance, d'irrespect...Tout ce que ces « pauvres années » ont brassé d'inculture... et de régression. Bourguiba eut, seul, la force de regarder ses compatriotes droit dans les yeux et de leur crier haut leurs vérités. Il en a résulté un miracle d'Etat. Il ne se profile, hélas, rien de pareil pour le moment.