Silence en or, de Naceur Akermi : une pièce de théâtre à deux protagonistes qui trahit les tourments, les coups de colère et la détresse d'une élite vouée à l'exclusion. Son avant-première est prévue pour fin novembre. Nos aïeuls qualifiaient le silence de précieux, comme l'or. Mais de nos jours, se taire est-il une position de valeur ? Avons-nous intérêt à faire taire notre vision du monde, du contexte dans lequel nous vivons, évoluons, échouons ou souffrons ? Nous convient-il d'étouffer nos pensées les plus tourmentées et parfois les plus créatives ? Silence en or fera le tour de la question et tâchera d'apporter un brin de discernement à cette confusion. Il s'agit d'une nouvelle pièce de théâtre, en cours de préparation, produite par la société de production cinématographique et théâtrale « la Tulipe ». Texte dramaturgique et mise en scène de Naceur Akermi. Protagonistes : Naceur Akermi et Imène Lazaâr. C'est l'histoire d'un artiste qui décide de sortir de son silence pour se confier à un ami. Des aveux en quasi-aparté, car se heurtant à un silence verbal. Il place une caméra pour enregistrer ce moment de purgation psychologique, cette séance d'auto-psychanalyse pugnace. Le héros met à nu la totalité des pensées qui taraudent l'esprit d'un artiste lésé par l'indifférence et la marginalisation, d'un citoyen à part entière qui — pour être un artiste, un être à la sensibilité rehaussée par un niveau culturel plus développé que le commun des mortels — se trouve boudé, voire écarté par la société. L'explosion Le personnage brise, donc, le silence. Il régurgite autant d'amertume, de critique, de satires dérobées à l'humour noir. Un humour qui se transforme en une technique-tactique nécessaire afin d'assouplir un message plutôt cru. «Pour parler des mères des martyrs, du peuple déçu du chamboulement des valeurs, de la répartition des postes de décisions, de la marginalisation de l'élite et de la culture d'une manière générale, il fallait absolument recourir à l'humour noir», explique l'artiste. La scène présentera un duo : l'artiste (Naceur) et sa muse (Imène Lazaâr). La muse apparaît comme un personnage fictif, un alter ego inéluctable, que crée l'artiste pour pouvoir vivre. La muse ne parle pas. Elle s'exprime via son corps en optant pour des chorégraphies qui se marient avec le discours de l'artiste. Silence en or dévoile les répercussions de la passivité, du désengagement. Il faut dire que le silence n'est pas forcément un signe de consentement. Il traduit souvent le mécontentement et l'abattement... Pour Naceur Akermi, il existe deux catégories de silence : un silence négatif et un silence positif. Le premier émane d'un choix à la fois délibéré et égocentrique; celui d'une élite qui préfère garder pour elle ses idées, pourtant salvatrices. Le héros représente les artistes qui ne s'expriment que dans le cadre d'un cercle fermé, d'un environnement social limité. Des artistes recroquevillés sur eux-mêmes, se résignant à cette distanciation infligée par la société. Le silence positif, lui, ne concerne pas les personnes supposées être en situation de réaction ou d'action. Le silence en or n'est autre que celui des militants de la pensée, des martyrs de la parole libre qui sont morts, mais dont les paroles, les idées, les positions et les causes résonnent encore et toujours dans nos pensées, nous guident vers le droit chemin, celui de la liberté, de la dignité et de la démocratie. «Les martyrs de la parole libre ne sont pas morts. Ils vivent encore en nous. Ils se sont seulement tus», indique Naceur. Le pseudo-monologue purgatoire se poursuit. Chaque fois que l'artiste s'apprête à se résigner encore une fois au silence, à quitter la scène et à fermer cette caméra qui tourne, le décor le retient. Le décor de Kouçaï Garraj et l'éclairage de Walid Hassir convergent afin de créer un effet scénique nouveau, différent, appelé Magie-théâtre. Tels des personnages, les accessoires font leur entrée en scène. Ils interviennent pour conférer à l'espace une touche nouvelle, une bouffée d'oxygène. Tout comme la Tunisie qu'on critique sans relâche, qu'on menace de quitter à tout bout de déprime, le décor nous retient, nous empêche de plier bagage et de nous enfuir.