Crise économique aidant, les candidats à une discipline artistique ne sont plus légion et plusieurs écoles privées sont tentées de mettre la clé sous la porte. Au milieu des années 90, on a vu clore un peu partout à Tunis et ses banlieues nord et sud des écoles privées d'enseignement artistique, principalement de musique, peinture et théâtre, aux côtés d'établissements publics, associations et maisons de la culture et de jeunes qui fournissent les mêmes prestations. Les centres culturels étrangers, comme l'Institut français de Tunisie, le Goethe Institut ou encore le Dante Alighieri, proposent également ce genre de cours. Jeunes et moins jeunes participaient nombreux à ces classes où la chose artistique n'est plus seulement l'apanage des plus talentueux, mais permettent à ceux moins doués, mais déterminés, d'acquérir les bases sur lesquelles ils peuvent envisager de nouvelles perspectives dans un paysage culturel où la demande était assez forte. On a vu alors Omar S'habou, Chokri Bouzaïane ou encore les frères Makni mettre entre parenthèses leur métier de compositeur et d'ouvrir des instituts de musique. Idem pour la peinture, S'hili en l'occurrence pour ne citer que lui, a formé des générations de peintres amateurs. Au théâtre, des metteurs en scène, à l'instar de Taoufik Jebali ou de Ezzeddine Ganoun, prodiguent des cours à de futurs comédiens. Les élèves de ces écoles sont devenus des artistes spécialisés, soit dans la peinture sur soie, sur bois ou l'art plastique tout court, dans le théâtre ou la musique, à tel point qu'ils ont dépassé leur maître et vendent leurs productions à des prix défiant parfois toute concurrence. On les voit courir les foires artisanales ou les galeries d'art ou lorsqu'il s'agit de musique dans les soirées privées ou les mariages. Aujourd'hui, avec la récession économique et le pouvoir d'achat en berne, ces artistes en herbe, touchés aussi par l'expansion du marché parallèle, ont cessé de produire et certains d'entre eux sont devenus à leur tour des enseignants car, avec la crise que vit le pays, ils n'arrivent pas à se positionner réellement. Au très sérieux Centre italien Dante Alighieri, les inscrits au cours de peinture se comptent sur les doigts d'une main. «Les gens n'ont plus beaucoup d'argent pour pratiquer une discipline artistique», explique Marcello Del Spina, artiste et enseignant et d'ajouter : «Le marché est de plus en plus restreint pour ceux qui prétendent entreprendre une nouvelle carrière dans le domaine artistique». C'est aussi le cas d'autres instituts et écoles privés qui se vident de plus en plus à cause de la situation économique déplorable. Pratiquer une discipline artistique n'est plus à la portée même des plus aisés, de même pour l'apprentissage des langues étrangères. Certains cours ont été tout simplement arrêtés, faute de prétendants.