Alors que nos enfants affichent un sens aigu de la responsabilité, la politisation du débat syndical risque de porter un grave préjudice au secteur de l'enseignement dans son ensemble En déplaçant le débat sur un autre champ que celui des revendications salariales ou professionnelles, le syndicat de l'enseignement secondaire vient de franchir le seuil du tolérable. Tous les observateurs, y compris la majorité écrasante des enseignants, savaient d'avance que la question n'était pas nécessairement une question de revendications mais plutôt un bras de fer aux relents politiques. Les enseignants et, notamment les professeurs, ont vu leur situation se détériorer et se dégrader depuis des années. Au contraire, les enseignants du primaire ont bénéficié, relativement, d'améliorations conséquentes. A un point tel, qu'aujourd'hui, un instituteur peut être mieux payé qu'un professeur grâce aux promotions très nombreuses et aux primes. D'ailleurs, d'ici quelques années, on n'aura plus d'instituteurs mais de professeurs du primaire. La politisation du débat syndical risque de porter un grave préjudice au secteur de l'enseignement dans son ensemble. Quand on sait que les responsables syndicaux disent être contre l'enseignement privé et pour l'enseignement public gratuit, on constate, paradoxalement, que, à cause des grèves à répétition, ils sont directement ou indirectement responsables de la fuite des Tunisiens vers les établissements privés (particulièrement, dans le primaire). Une grève coûte aux parents Agacés par les débrayages devenus très fréquents ces dernières années, les parents préfèrent se rabattre sur le privé pour ne pas causer du tort à leurs enfants. De plus, le fait de toucher, pour la première fois, à une échéance sacrée (les examens), il y a de forts risques que la situation se développe et échappe aux organisateurs de ces grèves devenues impopulaires auprès de l'opinion publique. Les familles sont fatiguées de subir les contrecoups de ces mouvements qui les perturbent dans leur rythme de vie et les acculent à suspendre, eux-mêmes, leur travail pour assister leurs enfants les jours de grève. Un jour de grève revient très cher aux familles tant au plan matériel que moral. Les responsables syndicaux en sont-ils conscients ? Quant aux élèves, c'est une autre paire de manches. La perturbation inédite de leurs examens trimestriels ne passera pas sans laisser de traces sur leur niveau. Les élèves des classes terminales sont les plus remontés. Ils pensent, carrément, qu'on se joue de leur avenir pour des raisons politiques et pour des intérêts égoïstes. Des conflits personnels entre des gens de la politique et des responsables syndicaux ne les intéressent guère. Ce qui importe c'est qu'on les laisse travailler et étudier dans des conditions sereines et qu'on ne sabote pas leurs parcours pour réaliser des ambitions personnelles. Faire intervenir la justice Ces jeunes ne comprennent pas l'entêtement des auteurs de ces perturbations à nuire au système éducatif alors qu'ils prétendent le défendre !Ils ne comprennent pas, non plus, qu'il y ait une partie qui se croit au-dessus de tout et qui veut que tout le monde admette qu'elle a raison et que tous ses points de vue sont justes. Le litige de la retenue sur salaire des deux journées de grève (que beaucoup considèrent comme un alibi) peut être réglé par un tribunal. Pourquoi les parties intéressées n'y recourent-elles pas ?Enfin, ils ne comprennent, surtout pas, la soi-disant neutralité de beaucoup d'associations civiles. Mais dans tous les cas, il n'y a que les parents qui peuvent peser de tout leur poids pour rétablir la situation. Ils ne doivent plus se laisser faire et sont appelés à défendre les intérêts de leurs enfants par les moyens légaux. Une organisation des parents d'élèves peut se constituer et porter l'affaire devant la justice. Une association peut, elle aussi, intenter un procès contre X pour avoir porté préjudice au déroulement des cours. Car ce n'est pas seulement en tendant des micros à des responsables ou en leur ouvrant les colonnes des journaux (pour leur permettre de se donner en spectacle) qu'on résoudra l'épineux problème des arrêts de cours qui se comptent en dizaines. Un signe qui ne trompe pas. Car quoi qu'on dise de nos élèves, ils sont venus devant leurs collèges et lycées le 8 décembre pour signifier qu'ils ne veulent plus servir de boucs émissaires et payer les pots cassés. Malgré la pluie, dans certaines régions, les élèves étaient présents. Certains avaient l'espoir que leurs professeurs ne feraient pas grève. Ils espèrent que leurs examens seront faits dans les prochains jours, avant l'arrivée des vacances. Les futurs bacheliers ont pleine confiance que leurs professeurs ne les lâcheront pas et qu'ils organiseront des cours de soutien en leur faveur. C'est là, au moins, une lueur d'espoir dans ce climat marqué par des luttes souterraines pour occuper des «places» et la scène médiatique.