Il est temps de passer la vitesse supérieure et de poser les jalons d'une approche plus concordante et plus efficiente pour lutter contre la violence à l'égard du genre dans la région arabe. L'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), la maison de halte aux femmes sans domicile «Beity» ainsi que le réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (ERMDH) ont organisé, lundi et mardi derniers, à Tunis, un séminaire régional sur les bonnes pratiques de lutte contre les violences faites aux femmes. En dépit des expériences arabes menées afin de protéger la femme contre la violence et de changer une mentalité fondée sur le modèle social patriarcal, la société civile pro-féministe et de défense des droits de l'Homme reste, encore, à la moitié du chemin. Elle décide, ainsi, de passer la vitesse supérieure en préparant le terrain à l'adoption d'une charte législative et morale, définissant clairement les bonnes pratiques à suivre dans l'optique d'un travail plus coordonné et plus performant. Prenant la parole lors de la première séance du séminaire, M.Walid el Aârbi, secrétaire général de l'association «Beity», invite les représentants de la société civile arabe à orienter leur combat contre la violence à l'égard du genre vers une approche de bonnes pratiques et à procéder, dans un second plan, à l'intégration de cette approche dans la législation. Selon lui, les pays arabes ayant connu des remous politiques (révolution, soulèvement populaire ou autres) devraient miser sur ce point pour établir une plateforme législative et morale anti-discriminatoire. Notre pays, et grâce à l'activisme de la société civile, est parfaitement apte à entamer l'expérience. De même pour le Maroc qui a connu une révision salutaire de la Constitution et des textes juridiques. Le secret des bonnes pratiques Pour vulgariser l'information, Mme Dorra Mahfoudh, sociologue, présente une lecture détaillée de l'approche des bonnes pratiques. Il s'agit d'un ensemble d'expériences réussies et susceptibles d'être prises comme des exemples à suivre pour des actions et missions similaires. Mais pour parvenir à ce stade ultime, il est nécessaire de parachever avec brio toutes les étapes préalables, intervenir au niveau social et construire une certaine légitimité de ladite approche. L'oratrice insiste sur l'aspect participatif ; une composante capitale, fondée sur la communication, le partage ainsi que sur une évaluation susceptible de ressortir l'impact d'un tel processus, ses points forts et autres, faibles. L'approche doit inéluctablement apporter une valeur ajoutée au travail, un impact à la fois tangible et durable et une mise en œuvre garantie. Mme Mahfoudh ne manque pas de rappeler les principes des bonnes pratiques en matière de lutte contre la violence à l'égard du genre : admettre les droits de la femme comme étant des droits de l'Homme, reconnaître le statut des femmes violentées comme des victimes, responsabiliser et impliquer les hommes dans cette approche et décrocher l'engagement politique seraient les garde-fous de l'approche. Faire pression sur les cours nationales De son côté, Mme Souhir Belhassen, représentant la FIDH, insiste sur deux piliers du combat pour les droits de la femme, à savoir l'élimination de la discrimination à l'égard du genre et la promotion de l'accès des femmes victimes de violence à la justice. Dans le premier cas, la Fédération a réussi à lever les réserves sur la convention de Cedaw aussi bien en Tunisie qu'en Jordanie et au Maroc. Elle a mené des campagnes visant à rectifier les textes de loi en faveur de la gent féminine et garantir à la femme son droit à la Justice, et ce, sur un pied d'égalité avec l'homme et conformément aux principes des droits de l'Homme. La campagne menée dans la région arabe en 2006 et ayant pour slogan «Egalité sans réserves» a ouvert la voie à l'instauration de textes de loi anti-discriminatoires. D'un autre côté, et en ce qui concerne l'accès des victimes de violence à la Justice, la Fédération assiste les femmes jusque dans les tribunaux. La campagne entamée en 2009 en Afrique subsaharienne a mobilisé une centaine d'ONG, l'objectif étant d'imposer le respect des droits d'accès des femmes victimes de violence à la Justice. Aussi, la Fédération a-t-elle réussi, le 28 septembre, à accompagner 400 victimes de guerre guinéennes aux tribunaux, dont 100 femmes victimes de viol. Il y a à peine deux semaines de cela, 80 victimes de violence au Mali ont bénéficié de l'aide de la Fédération, l'idée étant de faire pression sur les tribunaux nationaux, quitte à les menacer, en cas de laxisme sur fond discriminatoire, de recourir à la Cour pénale internationale.