Pour la énième fois depuis le 14 janvier 2011, la Tunisie retient son souffle. Mille et un problèmes latents et d'autres en sus n'ont pas été résolus par quatre années de post-révolution. Cinq gouvernements, autant de premiers ministres et deux présidents de la République se sont cassé les dents sur l'héritage du passé et les grosses vagues du grand chambardement. Naturel à la limite quand on sait qu'à plus d'un demi-siècle d'un règne sans partage de Bourguiba et de Zaba, l'équation est devenue pratiquement ingérable avec en sus l'apparition soudaine et violente d'un infâme terrorisme. Un secteur sinistré Aujourd'hui qu'a sonné le glas de la période transitionnelle, c'est la vie publique dans son entité qui attend des débuts de solutions, à défaut de solutions définitives. L'économie, l'agriculture, le travail, l'enseignement, l'environnement et le... sport scrutent l'horizon avec impatience et espoir. Et si nous laissons les premiers secteurs — qui nous concernent aussi — aux spécialistes, nous sommes curieux de ce qu'adviendra de ce sport qui n'a pas été, il faut bien l'avouer, sur l'échelle des priorités des gouvernements successifs. De Aloulou à Bouatai, en passant par Chaker et Tarek Dhiab, tous se sont essayés à commencer à mettre de l'ordre dans un domaine qui n'en finit pas de connaître de graves dérives. Sans grande réussite car ils se sont vite rendu compte qu'ils avaient affaire à un véritable système verrouillé par l'inertie et les hommes qui le font et miné par des «pratiques mafieuses» qui l'ont réduit à un état moribond. La preuve? Si quelques personnages, autrefois incontournables et intouchables, ont été jetés par-dessus bord, d'autres sont restés, rejoints par des opportunistes qui se sont glissés à travers le filet, consacrant le statu quo. Un système verrouillé Le pire dans tout cela, c'est qu'ils ont surfé sur la vague des élections. Et qui dit élections, dit électoral, groupes de pression et appareils rodés à ce genre d'exercice, qui ont leurs hommes et leurs méthodes. Pas toujours catholiques car si en politique, c'est le citoyen tunisien qui passe du tout, la même chose en sport. Une poignée de privilégiés élisent dans des assemblées générales de parade des présidents des clubs, qui élisent à leur tour les fédérations, qui élisent enfin les membres du Cnot. Le Cnot où on retrouve des présidents de... fédérations. Un système vicié au départ où on procède à des échanges de bons procédés. Personne ne demande des comptes à personne et on ferme les yeux sur le «commerce» de l'autre. Pour que l'autre ferme à son tour les yeux sur le commerce du collègue. La priorité des priorités — Déverouiller, sinon démanteler ce système de vases — nauséabonds ? communicants d'autant qu'on sait que clubs et fédérations se murent derrière leur indépendance que leur octroient les organismes internationaux qui les chapeautent. La FTF derrière la Fifa, le Cnot derrière le CIO, etc. Soit, mais on en oublie au passage que fédérations et Cnot à l'étranger tirent leur indépendance de celle financière qu'ils assurent et leur légitimité de leurs résultats sportifs. Ce qui n'est pas le cas chez nous où les fédérations dépendent, financièrement, en grande partie du ministère des Sports, donc du contribuable, alors que leurs multiples échecs sportifs ne leur assurent aucune légitimité. Vases communicants La solution ? Ça fait des décennies qu'on la connaît mais qu'on ne l'adopte pas. Changer la législation de notre sport pour ôter tout «alibi» à cette machine infernale de l'échec. Dans un second temps, fermer le robinet des subventions ou alors les soumettre à un contrôle strict. C'est en principe le rôle de la direction de l'élite, mais on sait depuis longtemps que cette direction est aussi «gangrénée» que les fédérations et le Cnot qu'elle sert si généreusement. Autre nécessité, essayer de casser le lien infernal qui unit les clubs aux fédérations et ces dernières au Cnot. Le sport, c'est programmation et résultats et, quand ceux-ci viennent régulièrement à manquer, les responsables des fédés et du Cnot doivent débarrasser le palier. Au nom du principe même qui régit ces institutions : le mandat à objectifs. Et un objectif, un vrai, ce ne sont pas les championnats arabes ou autres mineurs (non reconnus et non performants) qu'on doit nous vendre, vendre au ministère et aux Tunisiens, mais bel et bien les compétitions qui comptent : les championnats du monde et les Jeux olympiques. Pour ce faire, c'est la configuration du ministère mère qui doit changer et son incontournable et, encore une fois, intouchable direction de l'élite. Comment y parvenir? A ce qu'on sache, la Tunisie post-révolutionnaire s'est dotée d'une Constitution, d'un parlement et bientôt d'un nouveau gouvernement. Le prochain patron de notre sport doit, de ce fait, rendre compte à son Premier ministre et aux autres membres du gouvernement. Comme il n'y a aucune raison qu'un ministre de l'Economie, de l'Agriculture, de l'Intérieur ou des Affaires étrangères soit soumis aux questions des députés et qu'un ministre des Sports y échappe. En d'autres termes, c'est du devoir des représentants et élus du peuple de demander des comptes aux responsables de notre sport. Le peuple veut des champions, des vrais; il veut des victoires et des médailles, il veut et doit savoir où va l'argent de notre sport; il veut avoir des Gammoudi et des Mellouli. Et pas attendre 42 ans avant qu'un champion olympique succède à un autre!