Sous une lune à mi-chemin de son tour complet, les lumières de la scène de Carthage ont accueilli mercredi l'auteur-compositeur-interprète cubain Raul Paz pour une soirée de qualité, où la quantité n'a cependant pas été le principal point fort. Quantité en ce qui concerne le spectacle d'abord, qui a duré en tout une heure et demie malgré la richesse du répertoire du chanteur (7 albums de 1999 à 2010), qui le prédisposait à meubler une soirée un peu plus longue. Absence de quantité ensuite du côté du public qui a à peine rempli la moitié du théâtre antique, mais étant dispersé, cela ne se voyait pas trop, et puis, paraît-il, c'est la tendance de cette session — appel au passage à ceux qui voudraient bien y remédier ! Et pourtant, c'était une soirée de qualité. Et qu'a-t-on à faire de la quantité quand le plus important, les ingrédients d'une bonne sauce musicale cubaine, est là : un chanteur qui assure, par sa musique comme par sa présence, et un public qui suit, défiant le handicap de la langue. Le festival de Carthage est une escale dans la tournée de Raul Paz, qui a débuté en mars et qui se prolongera sur deux ans. Ayant vécu en France, il parle couramment le français, ce qui l'a aidé à briser la glace avec notre public. Sur scène, il avait commencé par interpréter deux ou trois chansons dans une ambiance plutôt sage quand, soudain, il arrêta la musique pour dire en s'adressant au public: «Quelque chose ne va pas. C'est parce que vous êtes assis !». La musique aidant, il n'en fallait pas plus pour que la soirée parte du bon pied. Et il faut dire qu'en matière de musique, Raul Paz sait sur quel pied danser. En une dizaine d'années de carrière, il est devenu une référence de la scène pop cubaine. Ses compositions ne sont pas ce qu'il y a de plus «salsy» car il affectionne le mélange des genres, mais il met un point d'honneur à chanter exclusivement en espagnol cubain. Son dernier album Havanization (2010), qui dépeint le portrait du Cuba d'aujourd'hui, a eu la part du lion de la soirée. Il en a interprété plusieurs titres dont «Carnaval», un duo enregistré avec la chanteuse française Camille, et annoncé en France comme le tube de l'été. Sur scène, il l'a chanté en compagnie d'une fillette cubaine qui était présente parmi le public. De la douzaine de chansons, plus un rappel de deux titres, au menu de la soirée à Carthage, il a également interprété «En casa», titre phare de son 6e album. Les opus de Raul Paz sont très ancrés dans la réalité de son pays. Cuba Libre, Revolucion ou encore Contigo (avec vous en espagnol) sont des titres d'albums qui en témoignent. Cela n'empêche pas les paroles de ses chansons, parsemées de mots comme «corazón», «beso» et «muchacha», d'être en rime avec le côté sensuel de la musique cubaine. Côté instruments, le mariage était bien savoureux. Solos de trombone, de guitare et de piano ont été applaudis par le public. La musique de Raul Paz l'a tantôt transporté au cœur des quartiers populaires cubains, tantôt sur ses plages réputées. La magie de Cuba a opéré sur le public de Carthage!