On savait pourtant depuis longtemps que les terroristes allaient « urbaniser » leurs attaques, vu l'étau resserré autour de leurs caches dans les montagnes. Pourvu que ce gâchis policier ne se reproduise plus... Dans un article paru début 2012 sur ces mêmes colonnes et intitulé «Pourvu pour ça ne s'urbanise pas», nous avons mis l'accent sur l'impératif de ne pas axer la lutte contre le terrorisme sur les seules montagnes, étant donné que les jihadistes peuvent aisément, et contre toute attente, frapper aussi dans les villes, avec l'appui de leurs cellules dormantes qu'on savait redoutablement armées. Trois ans après cette «mise en garde», le constat est amer: les terroristes se terrent dans les monts et font mouche en zones urbaines, et, SVP, à quelques mètres de l'ARP, épicentre du pouvoir. Il faut le faire, oserions-nous écrire. Et les ennemis de la nation l'ont, hélas, fait, avec le tragique bilan qu'on sait. Question: fallait-il s'y attendre? Oui, pour moult raisons dont essentiellement: — La volonté des terroristes de desserrer l'étau, de plus en plus asphyxiant, qui leur est imposé dans les monts de Kasserine, Jendouba, Gafsa, Sidi Bouzid, ainsi qu'aux frontières avec l'Algérie et la Libye. Ici et là, leur marge de manœuvre ne fait que se rétrécir de jour en jour. — Les «ordres» donnés récemment, à travers des caïds basés en Libye, en Syrie et en Irak, aux cellules dormantes de passer à l'action — L'obligation de résultat, soit l'une des tactiques diaboliques suivie par ces groupuscules, toutes les fois que l'une de leurs têtes pensantes est éliminée. Et dire que le carnage du musée du Bardo s'est produit deux jours après l'élimination, en Libye, du tristement célèbre Ahmed Rouissi. Leur message est on ne peut plus clair: un Rouissi s'en va, un Rouissi s'amène, au nom de la sacro-sainte «pérennité du jihad». — La recherche désespérée de diversification des attentats. En ce sens qu'après les cibles habituelles (postes de police et de la Garde nationale, faux barrages, postes frontaliers...), on s'attaque maintenant aux objectifs civils en pleine ville. D'ailleurs, il n'est pas exclu, étant donné la détermination endiablée des terroristes et leurs desseins haineux, que d'autres attentats soient perpétrés, à l'avenir, dans d'autres édifices publics non moins stratégiques, tels que les complexes industriels, les grandes surfaces, les établissements hôteliers, les ambassades et consulats, voire les prisons, les complexe sportifs, les aéroports, les stations de radio et de TV, les moyens de transport public jusqu'aux... eaux territoriales ! Et nous en avons des exemples qui avaient ensanglanté plusieurs pays (Algérie, Libye, Somalie, Kenya, Nigeria, Egypte, Yémen, Irak, Syrie, Pakistan, Afghanistan, Etats-Unis et tout récemment la France). De surcroît, les archives démontrent que ces attentats vont des voitures piégées à la prise d'otages, d'où leur extrême gravité. En est-on vraiment conscient dans nos murs ? On est tenté de répondre par non, au vu de ce qui s'est passé mercredi au Bardo, mais aussi au vu de l'incapacité, qui s'éternise, de la démystification des énigmes de la bataille de jebel Chaâmbi, des cellules dormantes et des dépôts de stockage d'armes, de munitions et de vivres... Ils auraient pu mieux faire Revenons maintenant à l'attentat du musée du Bardo pour dire qu'on aurait pu — sécuritairement — mieux faire. En effet, tout en rendant hommage à nos vaillants policiers et gardes nationaux pour avoir réussi à limiter les dégâts et à sauver le pays d'une véritable catastrophe qui aurait pu se produire, si les terroristes avaient fait sauter le musée, il faut reconnaître, cependant, que techniquement parlant, l'attentat aurait pu être évité, sans ces deux gâchis majeurs, à savoir : — Primo : l'absence inexplicable d'escorte policière autour des bus touristiques qui prenaient la direction du musée. Une faute impardonnable, dans la mesure où les touristes demeurent, dans tout pays exposé à l'hydre terroriste, l'une des cibles potentielles de ce dernier. — Secundo : est-il normal, par les temps qui courent, de voir un rayon aussi névralgique que le parking du musée et de l'ARP si mal gardé. Du coup, l'on est en droit de s'interroger: y a-t-il eu des failles dans la gestion policière de cette attaque ? Pourquoi l'intervention des brigades spéciales dont la BAT (Brigade antiterroriste) a été quelque peu tardive ? Etait-on en mesure d'épargner d'autres vies humaines lors de l'assaut final ? Enquête en cours.