Ça y est, se dit-on à part soi. Le gouvernement Essid réagit enfin, prend le taureau par les cornes. Les arrestations de terroristes et affiliés se succèdent au fil des heures. Des caches d'armes sont démasquées. On s'avise enfin de libérer la loi antiterroriste et relative au blanchiment d'argent sale, jusqu'ici abusivement séquestrée par une classe politique compromise ou amorphe. Habib Essid, le chef du gouvernement, multiplie les déclarations. Le ministre de l'intérieur, Najem Gharsalli, lui emboîte le pas. Dans sa conférence de presse, tenue jeudi dans une garnison des forces de sécurité intérieure, il a semblé décidé, décisif même. Et il a parlé. Enfin. Le tout pour arborer un profil de prime abord résolument engagé contre les terroristes et le terrorisme. Soit. Encore faut-il aller jusqu'au bout de la posture. Parce que, quoi qu'on en dise, des lacunes, voire des incuries manifestes, caractérisent l'attitude gouvernementale. Soyons clairs. Le dernier attentat terroriste du Bardo est le pire dans son genre depuis que le terrorisme a fait irruption dans nos murs, en 1995. Durant l'ancien régime, le terrorisme frappait tous les cinq à sept ans. Depuis la révolution du 14 janvier 2011, pas moins de quarante et une opérations terroristes ont été enregistrées. Mais cette fois, un nouveau palier a été atteint, dans le registre de l'horreur bien évidemment. Le gouvernement Essid donne l'impression, depuis, de s'appliquer avec acharnement dans les opérations antiterroristes. Celles-ci se poursuivent à une cadence soutenue. Les propos veulent traduire une ferme volonté. Et l'intendance donne l'impression de suivre. A telle enseigne qu'on a l'impression que des listes nominatives sont tirées de tiroirs jusque-là cadenassés. Livrées qu'elles étaient aux rongeurs et au mutisme préfigurant l'oubli. Seulement, la riposte demeure timorée. L'administration ne s'y applique point intégralement. Des responsables étatiques prennent de malheureuses et dangereuses initiatives sans que le gouvernement n'y pare au plus pressé. Tel fut le cas du rétablissement, il y a peu, des vols de Tunisair vers des destinations aux mains de terroristes en Libye, tels que les aéroports de Miitiga et de Misrata. Des terroristes en ont profité pour venir prendre des soins dans nos murs, avant que le tollé médiatique n'oblige le gouvernement à suspendre de nouveau lesdits vols. En même temps, des personnes organiquement liées à des terroristes libyens tristement célèbres continuent à faire du lobbying et à courir les plateaux télé au profit de leurs mentors. Impunément et moyennant de considérables prébendes, sonnantes et trébuchantes. Au vu et au su de tout le monde. Sans que la justice y trouve quelque chose à redire. Des terroristes libyens viennent chez nous et en ressortent comme dans un moulin. La police les observe, la justice les ignore. Certains d'entre eux sont pourtant intimement liés au rapt de Tunisiens en Libye, tels nos deux confrères Soufiane Chourabi et Nedhir Ktari. Sur ce plan précis, le gouvernement Essid perpétue une bien fâcheuse tradition instaurée du temps des gouvernements de la défunte Troïka et de Mehdi Jomâa. Elle consiste à ériger notre pays en sanctuaire pour les terroristes libyens de tout poil, où ils peuvent évoluer comme un poisson dans l'eau et en toute impunité. D'ailleurs, notre détermination à combattre le terrorisme sera toujours tronquée tant que nous n'aurons pas redressé nos rapports avec certains partenaires étrangers. Des rapports de complaisance douteuse sinon de sujétion en bonne et due forme. L'ambassadeur du Qatar s'est permis il y a peu de procéder à un véritable interrogatoire de quelque parti politique et de hauts responsables du ministère des Affaires étrangères suite aux propos d'un député tenus en séance plénière. Personne ne l'a remis à sa place, avec la ferme courtoisie requise en pareilles circonstances. Parce que, dans ces situations, le gant de velours doit cacher une main de fer. De leur côté, les ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique et de France, pour ne citer que ceux-là, se permettent parfois, dans nos murs, des écarts non diplomatiques inconcevables sous d'autres cieux. Le tout sous l'œil complaisant de certains hauts commis de l'Etat qui s'en soucient comme d'une guigne. L'irruption intempestive de Bernard-Henri Lévy dans notre pays début novembre dernier, pour fomenter et ourdir troubles et complots dans la région, en avait administré la preuve par l'absurde. Il n'a été refoulé de Tunisie que grâce à l'extraordinaire mobilisation de la société civile. Quelques exemples pour illustrer les cas patents d'atteinte à la souveraineté nationale liés aux réseaux terroristes et à tout ce qui grouille et grenouille. Le gouvernement Essid devrait s'y atteler et le plus tôt sera le mieux. Pour que la lutte antiterroriste soit radicale, y compris contre les agendas secrets et interférences étrangères. Autrement tout ne serait que soleil qui poudroie et herbe qui verdoie.