Après avoir été contraint à de multiples reculades qui ont, en quelque sorte, vidé la loi des finances 2017 de sa substance, le gouvernement d'union nationale s'apprête à ouvrir l'épineux dossier des grandes réformes économiques et sociales. Selon des sources proches du ministère des Affaires sociales, l'intérêt se porte en premier lieu sur la réforme des régimes de retraite et de la Caisse générale de compensation (CGC). Ces deux réformes qui ont été longtemps repoussées arrivent en tête de liste des priorités en 2017. Des négociations sur la réforme du régime des retraites devraient être lancées dès le mois de février prochain au niveau de la haute commission de la protection sociale regroupant des représentants du Gouvernement, de l'Union Générale Tunisienne du Travail et de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Ces négociations s'annoncent laborieuses tant les points de vue entre le gouvernement et la centrale syndicale à ce sujet restent très éloignés. Le gouvernement a en effet élaboré un projet de réforme des régimes de sécurité sociale prévoyant notammentle relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite et une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent, l'augmentation des taux de cotisation, la révision du mode de calcul pensions de retraite et le recouvrement des créances des caisses sociales auprès des entreprises publiques, L'UGTT s'en tient, quant à elle, à l'accord conclu en 2015 avec l'ancien ministre des Affaires sociales, Ammar Youmbaîi sur le projet de loi relatif au le régime des pensions civiles et militaires de retraite et des survivants dans le secteur public. Cet accord stipule que les fonctionnaires auront le choix de choisir entre le relèvement de l'âge du départ à la retraite à 62 ans ou à 65. Outre le relèvement optionnel de l'âge du départ à la retraite, l'UGTT entend proposer la diversification des sources de financement des régimes de sécurité sociale à travers l'instauration de nouvelles taxes sur certains produits non-essentiels comme le tabac et les boissons alcooliques, le recours limité et contrôlé au marché financier pour fructifier les avoirs des caisses sociales, et l'augmentation de la contribution directe de l'Etat. L'organisation syndicale recommande, d'autre part, de créer une nouvelle caisse à part qui sera chargée de l'indemnisation des salariés ayant perdu leurs emplois, de lutter contre la diffusion à large échelle du travail au noir dans le secteur privé et de durcir des procédures de recouvrement des créances des caisses sociales auprès des entreprises. Suppression des subventions aux produits de base Sur un autre plan, le projet de la réforme de la de la Caisse générale de compensation (CGC) élaboré par le gouvernement prévoit la suppression progressive des subventions aux produits de base et l'orientation des aides sociales directement aux couches les plus vulnérables de la société. La réduction des subventions alimentaires et énergétiques est l'une des conditions souvent posées par les bailleurs de fonds internationaux, Fonds Monétaire International (FMI) et Banque mondiale en tête, pour débloquer de nouveaux crédits en faveur de la Tunisie. Dans son dernier rapport, le FMI a ainsi précisé que la réduction de ces subventions est « souhaitable sous l'angle de l'équité sociale, car ce sont les couches les plus riches de la population qui bénéficient le plus des subventions alimentaires et énergétiques». L'institution précise que les ménages ayant les revenus les plus élevés bénéficient près de 40 fois plus des subventions des produits énergétiques que les ménages les plus modestes. Une autre étude réalisée par l'Institut national de la statistique (INS), le Centre de recherche et des études sociales (CRES) et la Banque africaine de développement (BAD) a conclu que le système actuel des subventions à la consommation exerce des effets redistributifs non négligeables au profit des plus démunis de la société. Mais malgré ces effets redistributifs, le caractère universel des subventions alimentaires nuit beaucoup à l'efficience de cet outil en tant que mécanisme de lutte contre les inégalités et la pauvreté. L'étude qui préconise un transfert des ressources allouées aux subventions universelles vers des programmes d'aides sociales a aussi mis en évidence l'existence d'erreurs d'exclusion et d'inclusion relativement importantes au niveau du Programme national d'aide aux familles nécessiteuses (PNAFN) et du Programme de l'assistance médicale gratuite (AMG). Seulement 48,9 % des bénéficiaires d'au moins un des programmes sont pauvres, et 51 % uniquement des pauvres sont inscrits au PNAFN ou à l'AMG! D'après les experts, réforme devrait rencontrer moins de résistance de la part de l'UGTT. Le principal écueil serait dans ce cadre la définition du seuil de la pauvreté et surtout de la classe moyenne. Selon les données du ministère des Finances, la classe moyenne tunisienne regroupe 1,9 million de travailleurs répartis entre le secteur public, les professions libérales et le secteur privé. 60% des employés appartenant à cette classe perçoivent un salaire inférieur à 800 dinars par mois, et 33% touchent un salaire mensuel de moins de 400 dinars. Or, les experts estiment que ce chiffre de 1,9 million de personnes est exagéré dans la mesure où la proportion des salariés touchant moins de 400 dinars par jour ne peut plus désormais figurer dans la classe moyenne.