Le Chef du gouvernement, Habib Essid, a annoncé hier au cours d'une séance plénière tenue à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) que son cabinet prendra des mesures urgentes pour rétablir les équilibres financiers des caisses sociales suite à des concertations avec les partenaires sociaux, révélant notamment que l'augmentation de l'âge du départ à la retraite se fera de façon volontaire. «Au regard de la mauvaise situation financière des caisses sociales, nous allons étudier en concertation avec les partenaires sociaux les mesures urgentes à prendre, dont une augmentation de l'âge du départ à la retraite qui se fera de façon volontaire, en attendant le lancement d'une réforme profonde des régimes de sécurité sociale dans une étape ultérieure», a affirmé M. Essid en substance. L'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui s'est jusqu'ici opposé catégoriquement au relèvement obligatoire de l'âge du départ à la retraite à 62 ans, ne semble pas avoir des réserves sur l'option de l'octroi du choix aux assurés sociaux de continuer à exercer après l'âge de 60 ans ou de partir à la retraite. «La question de l'aspect volontaire de l'augmentation de l'âge de la retraite constitue un élément nouveau qui sera débattu par les instances de l'organisation», souligne Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l'UGTT. «Nous insistions cependant sur une approche globale en ce qui concerne la réforme des régimes de sécurité sociale, qui doit aller bien au-delà des demi-mesures relatives à l'augmentation de l'âge du départ à la retraite et des cotisations», a-t-il ajouté. Il est à noter, dans ce cadre que le département de la couverture sociale relevant de l'UGTT a élaboré une étude comportant des solutions de nature à restaurer les équilibres financiers des caisses sociales. Cette étude fait ressortir que le sauvetage des caisses sociales passe en premier lieu par la diversification des sources de financement des régimes de sécurité sociale. Il s'agit notamment de l'augmentation de taxes sur certains produits non-essentiels comme boissons alcooliques et le tabac. L'étude souligne aussi l'importance de la lutte contre le travail au noir dans le secteur privé, du recouvrement des créances des caisses sociales auprès des entreprises, du sauvetage des entreprises en difficulté, de l'encouragement de l'investissement productif domestique et étranger afin de favoriser la création des emplois, et par conséquent d'augmenter le nombre des actifs finançant les pensions des retraités...etc Déficit en hausse constante Le déficit des trois caisses sociales (CNSS, CNRPS, CNAM) a atteint un montant record de 400 millions de dinars en 2014, contre 281,6 millions de dinars en 2013. Selon les prévisions du ministère des Affaires sociales, il devrait culminer à 700 millions de dinars en 2015 et à 1000 millions de dinars en 2016, si aucune réforme ne sera mise en œuvre rapidement. Selon les experts, la principales cause du déficit chronique des caisses réside dans le mode de leur financement : un système de financement par répartition où les salariés actifs paient les pensions de retraités activité. Or, les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies (vieillissement de la population, amélioration de l'espérance de vie, baisse de la fécondité, taux de chômage élevé, plans sociaux liés à la privatisation ou au sauvetage des entreprises en difficulté...) ont révélé les lacunes de ce système de financement. Le ratio actifs/retraités (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) continue en effet à baisser à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, le ratio actifs/retraités au niveau de la CNRPS a atteint 2,87 actifs pour un seul retraité en 2013, contre 3,11 en 2008 et 5,3 en 1990. Au niveau de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), la situation est légèrement meilleure, avec un ratio actifs/retraités qui s'est établi à 4,29 en 2013, contre 4,47 en 2008 et 5,65 en 1995. Selon les experts, la situation risque de se corser davantage pour les deux caisses d'autant plus que les prévisions démographiques tablent un doublement du nombre des retraités d'ici 2030 alors que le nombre des salariés actifs n'augmenterait que de 30 à 40 % au cours de la même période.