Le dialogue de sourds se poursuit entre le gouvernement et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) au sujet de la réforme des régimes de sécurité sociale. Lors de son audition mercredi par la Commission de l'organisation de l'administration et des affaires des forces armées au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le ministre des Affaires sociales, Mahmoud Ben Romdhane, a estimé qu'il serait judicieux de recourir au relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite et à une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent. Le ministre, qui a appelé les députés à accélérer l'adoption de la loi n°2015-52 sur le régime des pensions civiles et militaires de retraite et des survivants dans le secteur public, a fait remarquer que le scénario d'un relèvement de l'âge du départ à la retraite de deux ans de façon obligataire et de trois ans supplémentaires de manière facultative permettra de réduire le déficit de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) de 231 millions de dinars dès l'année 2017. M. Ben Romdhane a cependant avoué que le relèvement de l'âge du départ la retraite ne constitue pas la panacée, insistant sur la nécessité d'approfondir le dialogue sur une large palette d'outils et de mécanismes pour réduire le déficit structurel des caisses de sécurité sociale. Les représentants de l'UGTT se sont cependant attachés au caractère optionnel du relèvement de l'âge de la retraite, indiquant que toute augmentation obligatoire de deux ans se traduira par la surpression de quelque 15.000 emplois à pourvoir chaque année dans la fonction publique. Le secrétaire général adjoint de la centrale syndicale chargé de la couverture sociale, Abdelkerim Jerad, a, d'autre part, noté que le mode de financement des régimes de sécurité sociale ne peut en aucun cas continuer à se baser exclusivement sur les cotisations de l'employé et de l'employeur et devrait être plus que jamais diversifié. Il a notamment suggéré dans ce cadre le relèvement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d'un point de pourcentage, l'instauration de taxes supplémentaires sur certains produits non-essentiels ou nocifs comme les boissons alcoolisées et le tabac ainsi que l'amélioration de la gouvernance des caisses sociales et le recouvrement des créances auprès des entreprises publiques et privées. L'organisation syndicale a, d'autre part, recommandé de créer une nouvelle caisse à part qui sera chargée de l'indemnisation des salariés ayant perdu leur emploi et de lutter énergiquement contre la diffusion à large échelle du travail au noir dans le secteur privé A noter que le gouvernement semble avoir abandonné l'idée d'une réduction des pensions de retraite jugées «généreuses» par le ministre des Affaires sociales. Le déficit des caisses sociales, qui ne cesse de se creuser au fil des années, s'explique essentiellement par les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues la Tunisie au cours des dernières décennies: vieillissement de la population, baisse de la fécondité, précarité de l'emploi, amélioration de l'espérance de vie, taux de chômage élevé, multiplication des plans sociaux et des licenciements pour des raisons économiques, hausse de la défaillance des entreprises... etc. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Ce ratio est passé de 10 actifs pour un retraité dans les années 80 du siècle dernier à 2,4 actifs pour un retraité actuellement.