Ce ne devait pas être un jour comme les autres. Ce n'est pas permis. La négation et l'oubli, aussi. Mais il y a un temps pour tout. Un temps pour vivre, un temps pour expérimenter ce vivre, en se dédoublant, afin de ne rien laisser échapper, de ce qui est en train d'advenir, pour pouvoir y revenir plus tard, quand vient le temps des bilans. Un temps pour espérer, un temps pour perdre la raison, un temps pour désespérer, un temps pour réparer la casse, un temps pour rétablir la balance. Et puis un jour viendra le temps de la résilience. Ce temps-là n'est pas encore venu... Dix — ans. Ce ne devait pas être un jour comme les autres. La révolution, révolte, rébellion — choisissez dans le tas —, spontanée, ou, orchestrée au millimètre près, improvisée, parachutée, née de la dernière pluie, ou de la première averse, a vécu. Que reste-t-il de nos illusions, perdues, si ce n'est la poussière amassée, sur les souliers, après la si longue marche, la traversée d'un désert, où ne subsiste plus aucun mirage, sauf celui de croire encore, mais juste pour la beauté du geste, à l'infinité de tous les possibles, lorsque tout vient conforter l'idée, que tous les chemins ont été arpentés à rebours, pour mener le désenchantement à son terme ? Il reste l'idée d'un pays, infiniment beau, du Nord au Sud, d'Est en Ouest, traversé par tant d'histoires successives, qu'il en est devenu riche, d'une multiplicité de cultures, de civilisations, qui en ont fondé les « strates » successives, pour qu'il soit unique, tout en étant pluriel. Mais ce n'est pas qu'une simple idée. La Tunisie est belle. D'une beauté, inouïe ! Il suffit juste, de dessiller le regard, pour comprendre que la seule révolution qui vaille aujourd'hui, c'est celle qui changera les mentalités, en accordant les esprits, avec la culture, et la culture avec une manière d'être, et la manière d'être, avec le désir profond, de contribuer à ce que, tout alentour, du plus petit, à l'infiniment grand, résonne avec les mêmes vibrations, qui sont la quête du beau et du sublime, pour être en phase, avec ce que le pays offre aux regards, qui viennent s'y poser, sans préjugés ni rancœurs : ce qui fait l'essence de son cœur battant, ses pulsations les plus secrètes... Dix ans... Mais l'espoir est tenace et il montre des dents... S.H.