Alors que la saison des mariages bat son plein, en Tunisie, depuis l'entrée de l'été, comme chaque année en pareille période, les liens conjugaux deviennent de moins en moins résistants à l'épreuve du temps, à en juger par l'explosion du divorce chez nous et dans les divers pays du monde. D'après les dernières statistiques, la Tunisie occupe le 4ème rang mondial en ce qui concerne le nombre des divorces prononcés par rapport au nombre des mariages enregistrés. Trois à quatre mariages sur dix sont dissous, souvent au cours des quatre premières années. La révélation de ces statistiques a désappointé un large secteur de l'opinion publique, choqué sans doute par la légèreté des sentiments humains. Sur ce plan, le progrès semble avoir eu l'effet contraire.
Apparences trompeuses La réforme du Code du statut personnel au Maroc, en 2004, a été accompagnée par une augmentation considérable du nombre des demandes de divorce présentées à l'initiative des femmes qui n'en avaient auparavant guère le moyen. Il y a quelques mois, en Arabie saoudite, des femmes saoudiennes ont fêté avec un éclat particulier l'anniversaire de leur divorce. Abusés par ces apparences, des analystes de bonne fois et des gens de tous bords croient pouvoir déceler dans cette évolution une corrélation entre émancipation et relâchement pris au sens négatif de dépravation. Justement, corrigent des spécialistes et des citoyens plus avisés. Le relâchement trahit dans ce cas précis la soif de liberté et le rejet naturel de vivre sous tension. Il doit être compris au sens physique de rupture naturelle pour défaut d'équilibre et trop de pesanteur. Selon un citoyen, le remède doit être recherché dans la simplification des relations humaines devenues trop sclérosées, sous le poids d'un long passé mal digéré. Il a signalé, à ce propos, la réhabilitation de la mixité qui a contribué à atténuer les tensions. En effet, a-t-il ajouté-il, le mariage relève du vaste champ de la sexualité et des rapports humains, à la fois, deux domaines régis encore par les préjugés et les anciennes représentations. A titre de preuve, un autre citoyen a évoqué le rejet que l'homosexualité continue de rencontrer dans les pays occidentaux sous prétexte qu'elle est une déviation contre nature, et ce malgré la relative liberté sexuelle qui règne dans ces pays. Or, a-t-il dit, cette pratique a de tout temps existé dans les sociétés humaines, sous sa forme masculine et féminine et elle est considérée comme un comportement naturel par beaucoup de savants et auteurs anciens et modernes de toutes les nationalités, à telle enseigne que le philosophe grec Platon, au 5ème siècle avant JC, soutenait que le véritable amour est celui qui naît entre deux êtres de même sexe.
Suivre la nature Un spécialiste constate plutôt un recul, dans ce domaine, soulignant qu'autrefois tous les types de rapports étaient admis, sans distinction et sans jugement de valeur : la polygamie qui permet à un homme d'avoir plusieurs épouses en même temps, la polyandrie qui permet à la femme de vivre avec plusieurs hommes à la fois, souvent des frères de sang, les accouplements éphémères et saisonniers avec ou sans contrepartie, à l'image des Amazones, femmes vivant en sociétés fermées aux hommes, et qui se laissaient féconder par eux quand l'envie les prend. La femme dans les anciens peuples libyques, premiers habitants de l'Afrique du Nord, pouvait coucher avec tous les hommes de son clan et voyait un insigne honneur pour elle d'être désirée. Les pharaons de l'ancienne Egypte toléraient les mariages entre frères et sœurs. L'homosexualité était répandue. Tous ces types de rapports et de vie sexuelle se sont développés de manière naturelle, a-t-il dit, de sorte que considérer la cellule familiale actuelle composé d'un homme, d'une femme et des enfants mineurs, comme la norme naturelle et l'imposer peut être assimilé à un acte d'atteinte à la biodiversité. Dans ces conditions, le mieux serait de suivre la nature, en réinstaurant la liberté totale de s'unir avec n'importe qui et de rompre à tout moment l'union contractée, sans avoir à rendre compte de son initiative puisque tout le monde jouit de cette liberté. Tant que l'union est librement consentie, peu importe sa forme. Le concubinage plus ou moins légalisé dans les pays occidentaux représente une forme de ces unions libres, et il paraît que quelques uns durent longtemps, dans une bonne ambiance, ce qui démontre que la liberté n'engendre pas le relâchement au sens négatif et favorise la vraie stabilité. D'ailleurs, les enquêtes signalées sur le mariage en Tunisie placent le mariage mal assorti en tête des causes à l'origine des divorces, fourrant, toutefois, sous cette rubrique, toutes les divergences d'ordre social (mauvais traitements, violence, irresponsabilité patente d'un des deux membres, incompatibilité sociale ou culturelle). Ces mêmes facteurs sont à l'œuvre au niveau de la société dans son ensemble et ils ne sont pas propres à la famille, émanation naturelle du mariage, ou plus exactement aux relations humaines dans le cadre de la famille, car la famille se définit par le type de relations existant entre les membres qui la composent. Les problèmes matériels qui sont aussi une autre cause des divorces pèsent, également, lourdement, sur les relations sociales dans leur ensemble. L'autre cause, l'adultère, perd son sens, dans des rapports humains fondés sur la liberté, de sorte qu'il ne reste pratiquement rien de propre au mariage et aux relations conjugales dans toute cette panoplie de causes, hormis des indispositions d'ordre naturel et organique, échappant à la volonté humaine, comme l'impuissance ou la survenance d'un handicap physique. Dans cette perspective, la libéralisation des rapports sexuels et conjugaux peut avoir, sûrement, des répercussions positives sur la décrispation des relations humaines en général, et le développement de la société dans son ensemble.