* Une manne économique, encore mal exploitée, le tourisme intérieur C'est une vérité élémentaire : pour apprécier la beauté du printemps, il vaut mieux être à la campagne qu'en ville ! Mais aujourd'hui (depuis des décennies en fait), la mobilité de la population porte celle-ci plutôt vers les agglomérations urbaines. Or, là-bas, la perception du printemps est tout autre ! C'est une saison qui se manifeste à travers moins de signes évidents qu'en milieu rural. On apprend son arrivée grâce à un bulletin météorologique ou à un calendrier « arabe » et parfois, l'évènement passe inaperçu pour les trois quarts des habitants. Seuls quelques vieux, aux origines paysannes du reste, restent- par habitude ou sous l'effet d'une angoisse funeste -, attentifs aux cycles de la nature. Pour les citadins plus jeunes, le printemps est surtout synonyme de soleil plus généreux et de journées plus longues. Quant à se réveiller au chant des rossignols et des chardonnerets, quant à admirer la prairie aux couleurs chatoyantes, les champs de blé ondoyants, le tapis de verdure qui couvre les près et les collines, quant à humer les senteurs des vergers fleuris et des jardins embaumés, quant à pourchasser les papillons multicolores, quant à cueillir des bouquets de bleuets, de narcisse, de coquelicots et de pâquerettes, quant à écouter le murmure des eaux de sources et le frou-frou des feuilles caressées par la brise du matin ou par celle du crépuscule ; tout cela n'est plus que littérature pour les gens de la ville qui pourtant colportent cette représentation idéalisée du printemps des campagnes depuis le jardin d'enfants jusqu'au lycée. Villes peu écologiques Au siècle de l'écologie, nos villes se dénudent de tout ce qui pourrait rappeler la belle saison : dans les maisons, l'espace-jardin est sacrifié au profit des locaux de commerce et des studios pour étudiants et célibataires. Les bacs à fleurs et les vases à plantes aromatiques disparaissent des terrasses et des balcons. Plus personne ou presque n'entretient de potager et tout le monde achète ses légumes et ses fruits au marché. Par mesure économique ou par crainte des mauvaises surprises, on organise très peu de sorties dans la nature et de pique-nique en montagne. Les roses et les bouquets de fleurs vendus en ville ne sentent ni bon ni mauvais. Les arbres plantés au bord des rues ont l'air de ne jamais bourgeonner ni fleurir. Quant aux oiseaux qui y nichent, les habitants ou les autorités municipales ont tout fait pour les en chasser. Les quelques cours d'eau qui traversent nos cités sont transformés en décharges par les particuliers et les entreprises publiques et privées. On ne peut nulle part aux alentours des villes, savourer un moment de détente à l'air libre et pur tant l'environnement y est pollué. Le vrombissement des moteurs, le crissement des freins, le boucan des machines et le vacarme des foules couvrent de nuit comme de jour les bruits de la nature. La menace du béton et de l'asphalte Il reste encore pourtant, loin des zones urbaines, de larges espaces préservés : sur la route du Cap Bon, ou bien en allant vers Zaghouan, Béja, Bizerte, Tabarka, Jendouba, Le Kef, Siliana, le promeneur peut profiter des meilleurs paysages naturels du pays. En cette période de l'année, le décor qui y prévaut est digne des plus belles contrées européennes : c'est haut en couleurs, calme, harmonieux et spirituel. Sauf que l'avancée de l'asphalte et du béton menace de tout envahir là aussi. Les villes ont tendance à se toucher, et les villages s'agrandissent pour prendre l'aspect de petites villes, grignotant chaque année un peu plus de terres autrefois cultivables. Le pays compte de moins en moins de fermes. Les campagnards abandonnent inexorablement les activités qui faisaient naguère le pittoresque de leur vie simple et saine. On les voit moins passionnés par l'élevage des animaux domestiques, ils n'ont presque plus de basses-cours, ni d'étables, ni de granges. Désormais, c'est la ville qui investit le douar. Du scoutisme de luxe Il y a moyen cependant de sauvegarder nos plus beaux sites naturels et d'en faire profiter les touristes tunisiens en particulier: en effet, les campagnes encore intactes peuvent devenir de nouveaux centres d'attraction pour les amateurs de beaux paysages et de grands espaces vierges. On peut y promouvoir la construction d'auberges et organiser des excursions régulières pour familles et groupes divers. Les écoliers et les lycéens y viendront découvrir ce qu'ils voient en images dans leurs manuels scolaires. Ils dégusteront sur place des produits et des aliments du terroir. On les mettra en contact avec les richesses naturelles de la région visitée. Ils escaladeront les montagnes et les collines ; traverseront les rivières et si possible s'y baigneront, boiront l'eau des sources, cueilleront les plantes des prés et des forêts, chasseront du gibier. Bref, ils mèneront une vie de scouts avec le confort en plus et la découverte garantie. Un pari à réussir Nous formons là un vœu pieux, parce que chez nous, certains ne croient beaucoup à la rentabilité de ce tourisme intérieur. Pourtant, les villages de distraction du genre qu'on trouve à Friguiya sont une réussite. Les «Montazah», ces parcs de loisirs qu'on multiplie à travers le pays, ne désemplissent pas. C'est la preuve que les Tunisiens ne se plaisent pas que sur les plages. La verdure les attire autant que le bleu de mer. Pensons donc à développer ce tourisme campagnard et parions qu'il connaîtra le même engouement que celui des côtes. Dans les pays occidentaux, il rapporte un argent fou; pourquoi n'en serait-il pas de même chez nous ?