Le Temps-Agences - A 65 ans passés, toujours aussi riche, charismatique, calculateur, intellectuellement pointu et en grande forme physique, Ahmad Chalabi, n'en déplaise à ses anciens amis américains, qui l'accusent aujourd'hui de les avoir manipulés et d'avoir toujours été, en réalité, "au service de Téhéran", est de retour. Candidat bien placé pour les élections générales du 7 mars, les deuxièmes de l'après-Saddam Hussein et sans doute les plus déterminantes pour l'avenir du pays, puisque les soldats américains sont sur le départ, M. Chalabi a un plan, un programme et une obsession. Le candidat Chalabi propose : "Rendre son indépendance à la politique irakienne, réduire l'influence américaine et construire une alliance régionale durable avec l'Iran, la Syrie et la Turquie." Comme un aveu a posteriori du double jeu que Washington l'accuse d'avoir mené avec brio pendant une dizaine d'années jusqu'à l'invasion de mars 2003 qui a tant bénéficié à l'Iran. Dans un salon de son élégante résidence familiale à Bagdad - une parmi une bonne douzaine d'autres en Irak, à Londres et à Beyrouth -, Ahmad Chalabi sourit franchement. "J'aurais manipulé toute l'administration américaine, la CIA, le Pentagone, le département d'Etat, la Maison Blanche, pour renverser Saddam Hussein au profit de l'Iran ? A moi tout seul ? Balivernes. Les Américains se sont manipulés eux-mêmes. Ils ont cru à leur propre propagande. Moi, j'ai toujours joué franc-jeu, je voulais la libération de mon pays et de mon peuple." Même s'il a fallu mentir pour aboutir, produire nombre de faux témoins irakiens qui avaient "vu", voire "coopéré" au fantomatique programme nucléaire et biologique irakien - beaucoup d'entre eux furent présentés aux services américains par M. Chalabi. Maintenant, que les "libérateurs" s'en aillent. Patron des 96.000 soldats présents en Irak (le plus faible contingent depuis 2003), le général Ray Odierno a évoqué la semaine passée "la possibilité, si besoin est" d'étendre la présence de ses troupes de combat au-delà du 31 août 2009. "Pas question, tranche M. Chalabi. M. Obama a donné l'ordre du retrait de tous ses combattants fin août, les conseillers et soldats de la logistique devant quitter l'Irak au 31 décembre 2011. Le calendrier agréé avec l'Irak doit être respecté." Répétée dans toutes ses réunions électorales, cette petite pointe de nationalisme ne peut pas nuire au "Chalabi nouveau" qui est en train d'émerger. Au reste, notait récemment Ryan Crocker, l'ambassadeur américain à Bagdad jusqu'en 2009, "il serait faux de penser que Chalabi est l'agent de l'Iran ou de quiconque. C'est un opportuniste et un nationaliste qui usera de n'importe quel moyen ou plateforme pour faire avancer ses projets". Ahmad Chalabi n'est pas loin de penser, et il n'est pas le seul, que les Américains, pour faciliter leur départ annoncé et entraver les visées iraniennes sur l'Irak, ne seraient pas fâchés de laisser revenir au pouvoir des baassistes "réformés". Numéro trois, à Bagdad, sur la liste de l'Alliance nationale irakienne, la plus puissante coalition chiite religieuse du pays, l'ancien banquier, ex-agent double, ex-enfant chéri de l'administration Bush, est pratiquement assuré de remporter un mandat de député. Le voici reprendre son ascension. Il veut être premier ministre. Dans son entourage et au-delà, beaucoup parient qu'il sera, quoiqu'il arrive, du prochain gouvernement.