Les femmes et les hommes mariés dont on devrait plaindre le sort sont très nombreux sous nos cieux. La plupart d'entre eux croyaient s'être unis plus pour le meilleur que pour le pire à leurs conjoints respectifs ; mais ils déchantent au fil du temps et se trouvent contraints de composer avec un mari ou une épouse incapables de les rendre heureux et plutôt habiles à faire leur malheur. Ceux qui se sont mariés avec des « adolescent(e)s attardé(e)s » figurent parmi les victimes que nous évoquons. Ils ont épousé des hommes ou des femmes adultes par l'âge mais pas encore mûrs sur le plan du comportement et du sens des responsabilités. Nous ne disposons pas de statistiques précises sur le nombre de ces malheureux, mais chacun de vous, chers lecteurs, en connaît sans doute quelques uns dans son entourage immédiat. Dans notre cas, nous en avons rencontré plusieurs ces dernières années et pour dire la vérité, la gent féminine est plus présente dans ce lot de connaissances que nous avons fréquentées de très près. Quelques unes néanmoins s'en veulent un peu parce qu'avant leur mariage, elles étaient plus ou moins prévenues de l'immaturité de leurs conjoints. Elles espéraient, les pauvres, pouvoir les changer ou comptaient sur la vie pour le faire ! Voici trois témoignages authentiques qui rendent compte des déboires de cette catégorie de personnes. Nous les rapporterons sous des faux noms pour les raisons que vous devinez. Passionné de jeux et de flâneries Majda a aujourd'hui 33 ans, son mari a deux ans de plus qu'elle. Tous les deux sont fonctionnaires du service public. Ils ont deux enfants, un garçon de 10 ans et une fillette de 8 ans : « Dès la première année de mariage, j'ai constaté que mon mari n'aimait pas trop les responsabilités familiales. C'est à moi qu'il confia tout de suite les courses en ville et tous les achats qui concernent la maison. Jamais, il ne m'a vraiment aidé dans les tâches ménagères. Les grandes décisions, c'est souvent moi qui les prends : à propos du prêt à contracter pour la construction de notre maison, au sujet de l'achat de la voiture, en ce qui concerne la gestion de nos deux salaires, il me laisse faire et n'émet presque jamais d'avis personnel sur ce genre de questions. Il n'aime pas beaucoup parler d'épargne et se fâche lorsque moi ou quelqu'un de la famille lui adresse des reproches à propos de l'argent qu'il gaspille en dehors de la maison. En effet, il passe ses heures libres au café ou au bistrot. Il consacre ses dimanches et les jours fériés aux sorties avec les amis : s'ils ne vont pas au stade, ils organisent leur propre partie de football dans les environs du quartier. Sinon, ils paressent ensemble sur les terrasses des cafés ou flânent dans les rues de la ville. A la maison, son passe-temps favori c'est tantôt la télévision, tantôt l'ordinateur. Depuis que nos enfants sont à l'école, il s'occupe très peu de leurs études et ne s'inquiète pas de leurs mauvais résultats. Il lui arrive de jouer avec eux ou de les aider à réviser leurs leçons ; mais il s'en lasse très vite ou bien s'énerve à la moindre contrariété. J'ai beau lui recommander d'être plus patient et moins violent avec eux, il y trouve un prétexte pour une bouderie et pour une nouvelle escapade avec les copains. Cela fait 11 onze ans que ça dure. En désespoir de cause, j'ai décidé tout simplement de m'y faire ! » Désorganisé et négligent Fatma s'est mariée à 24 ans avec un ancien camarade de lycée qui a son âge. Elle tient un petit commerce, tandis que son mari est fonctionnaire. Ils ont une fille de 12 ans. « Mon mari n'a jamais rêvé de posséder une maison. Nous sommes encore locataires, qui plus est chez l'un de ses collègues de bureau qui ne gagne pas plus d'argent que lui. Une telle situation ne le choque pas du tout et il justifie cette insouciance par les mêmes arguments indéfendables : ‘'profitons de nos salaires ; ‘'l'achat d'une maison nous condamnerait à l'austérité la plus frustrante''; ‘'nous sommes encore trop jeunes pour ce genre de soucis ruineux'' etc. A la maison, il est désorganisé et négligent. Je dois tout le temps lui rappeler d'éteindre les lumières, de refermer le tube de dentifrice, de laver sa brosse à dents, de ranger là où il faut ses chaussures et ses chaussettes. Il mange souvent au lit ou sur le canapé du salon. Chaque matin, il faut lui trouver son portable, oublié quelque part sous un fauteuil, près de l'évier de la cuisine ou du lavabo de la salle de bain. Et bien sûr, ce n'est pas à lui qu'il faut demander de s'occuper de notre fille. » La fille à maman Chokri vit la même situation mais à l'envers. « J'ai épousé ma femme alors qu'elle avait 25 ans. Je savais qu'elle était encore quelque peu turbulente et portée sur les plaisirs insouciants. Mais je me disais, alors, qu'une fois mère de famille, elle s'assagirait sans doute. Hélas, après 7 ans de mariage, elle a toujours ses réflexes d'adolescente et de fille à maman. Elle s'acquitte rarement des tâches qui lui incombent à la maison, néglige notre petite fille, pense toujours à recevoir ses copines ou à sortir avec elles, dépense son argent et le mien dans des achats indignes de son âge, me reproche d'être trop calculateur et de me condamner à une vieillesse précoce ! Elle dit toujours qu'elle s'est mariée trop tôt et qu'elle n'a pas suffisamment profité de sa jeunesse. Dans ses goûts vestimentaires comme dans ses fréquentations, elle affectionne tout ce qui lui rappelle cet âge. A 32 ans, elle continue de vivre comme à 18. Ses parents font de leur mieux pour la raisonner. Ils me disent toujours que ça lui passera. Je pense qu'ils ont raison mais une chose est sûre : ils ne l'ont pas bien préparée à la vie conjugale ! » Questions graves C'est justement là le problème ; où faut-il apprendre la vie à deux ? La famille est-elle la seule institution à pouvoir assumer cette éducation ? Et puis, les parents donnent-ils toujours l'exemple dans ce domaine délicat de l'existence ? Autre question grave : les institutions éducatives telles qu'elles fonctionnent actuellement et depuis plus de 40 ans, forment-elles des citoyens vraiment responsables ? Aident-elles sérieusement à l'établissement d'une société nouvelle où chacun est conscient de son rôle et de la nécessité de l'assumer pour son bien et le bien d'autrui ? Le nombre croissant de divorces en Tunisie devrait alarmer tous nos experts des questions matrimoniales quant à l'urgence d'une réflexion approfondie sur les causes du problème et sur les solutions susceptibles de juguler ce déplorable phénomène social. En attendant qu'ils s'y mettent pour de bon, bien des foyers se brisent et bien des enfants paient cher le prix de l'égoïsme de leurs parents soi-disant adultes !