C'était vendredi dernier qu'a eu lieu, dans les Studios de Gammarth, l'avant-première réservée aux journalistes, du film de Abdellatif Ben Ammar « Les palmiers blessés » qui ouvrira demain jeudi 8 juillet, la 46ème édition du Festival. Le réalisateur de « Une si simple histoire » (1970), « Sejnane » (1974), « Aziza » (1980), « Chant de la noria » (2001), et d'un feuilleton télé « Quatre pas sur les nuages » (2002), présente dans son dernier opus « Les palmiers blessés », la quête d'une jeune femme, nommée Chama, (Leila Ouaz), à la recherche de la vérité, d'une relecture de l'histoire, différente de celle qu'on a imprimée dans les livres ou inculquée sur les bancs de l'école. C'est la fille d'un martyr de la guerre de Bizerte, un honnête citoyen qui tomba en défendant son pays, laissant dans le désarroi, une veuve et une petite orpheline de quelques mois. Cette douloureuse histoire qui surgit en filigrane, ne fait que renforcer la détermination de l'héroïne à vouloir creuser dans le passé pour faire dire à des témoins la vérité, rien que la vérité. Le film se déroule dans la ville de Bizerte en hiver, précisément, en 1991, au moment où la guerre d'Irak embrase la scène internationale, à travers les chaînes satellitaires… Chama, fraîchement diplômée, femme libre et instruite, cherche un emploi… Le hasard voulut qu'un écrivain tunisien, un « intellectuel », (Néji Najah), natif de cette ville du nord du pays, lui confie la dactylographie d'un manuscrit autobiographique. Contrainte de faire l'éternel aller-retour, Tunis- Bizerte, elle trouve refuge chez un jeune couple algérien qui lui offre hospitalité et chaleur familiales. Des rôles magistralement joués par Hassen Kachache, (Noureddine, musicien désabusé et lucide à la fois qui a décidé de se réfugier en Tunisie) et Rym Takoucht, (Nabila, amie de Chama). Au fil des pages manuscrites, quelque chose retient Chama pour plonger encore plus dans l'univers de la guerre de Bizerte ; n'est-elle pas la fille d'un patriote qui y laissa sa vie ? La rupture du contrat avec son écrivain ne la dissuade guère à faire marche arrière, bien au contraire… Elle fait du porte à porte pour contacter les anciens militants et camarades de son père, devenus sceptiques avec le temps et tentés de taire la vérité sur les événements enfouis dans leur mémoire. « En opposition avec la malhonnêteté et le manque de courage de certains historiens qui déforment la réalité des faits à des fins personnelles, lit-on dans la note d'intention du réalisateur, le film met au grand jour, l'héroïsme ordinaire et simple d'une jeune femme qui tentera par tous les moyens, de savoir d'où elle vient pour mieux se projeter dans l'avenir… ». Une quête que Abdellatif Ben Ammar a su bien mener, grâce à la justesse de jeu de ses comédiens : Leila Ouaz, Rym Takoucht et particulièrement, Hassen Kachèche dont la musique, (signée Farid Aouameur), en dit long sur ce sentiment de l'exil qui rapproche tous les protagonistes du film. Sur le plan esthétique, le film impressionne avec des plans séquences à couper le souffle. D'un côté, des cadrages larges et fixes et des gros plans pour établir la distance et amplifier la solitude des personnages comme pour lire dans leur âme, et de l'autre, des images d'archives qui ne cessent de nous rappeler l'atrocité des guerres dont les traces indélébiles restent encore gravées sur les murs des villes et surtout, dans la mémoire des hommes…