Le nouvel essai publié récemment par Ali Abassi** s'ajoute à une série d'études littéraires toutes plus intéressantes les unes que les autres. Après « Le Corps humain dans les contes et nouvelles de Guy de Maupassant » (1992), « Le Récit : de l'œuvre à l'extrait », (1994), « Sur l'histoire de la littérature française » (1995), « Le Romanesque hybride », (en deux volumes, 1996 et 1998), « Stendhal hybride » (2001) et « Littératures tunisiennes : vers le renouvellement » (2006), Abassi publie un excellent travail de recherche sur son siècle préféré et ses auteurs de prédilection. Dans « Poétique romanesque, XIXe », il réunit et réécrit des articles publiés précédemment auxquels il fait retrouver une cohérence thématique pas toujours évidente dans les éditions où ils parurent initialement. Recherches comparatives En reprenant ces textes consacrés à Stendhal, Balzac, Mérimée, Flaubert et Maupassant, et en les soumettant à une lecture qui tire le meilleur profit des moyens que la poétique moderne met à la disposition du chercheur en littérature, Abassi examine « certains lieux obligés ou rituels de la signifiance romanesque ». Son premier chapitre revient ainsi sur les topoi littéraires dont regorgent les contes et nouvelles des grands auteurs du XIXème siècle français et plus particulièrement sur les idées reçues reproduites au sujet de la femme. Dans le deuxième chapitre intitulé « Charles Bovary », l'auteur démontre à travers l'étude des différents portraits de ce personnage que Flaubert, son créateur, pouvait s'exclamer à son sujet également « Charles Bovary, c'est moi ! ». Au troisième chapitre, l'analyse porte sur l'hybridité (au sens de mélange sémiotique) du roman de Stendhal « Le Rouge et le noir », œuvre aux parentés multiples avec l'art pictural. L'article Mimologies, détaille en étudiant et comparant des extraits de Flaubert et de Maupassant, les affinités esthétiques qui relient ces deux illustres romanciers. Cette pertinente approche comparative est immédiatement suivie d'une autre qui étudie les fonctions dévolues à l'incipit (texte inaugural d'un récit) chez Balzac et Flaubert. Ali Abassi aborde ensuite, à travers la relecture de deux extraits de Mérimée et de Flaubert, les variations polysémiques ou idéologiques auxquels les auteurs concernés donnent lieu sur les thèmes d'Eros et de Thanatos. Le chapitre final de l'essai reprend un bel article de 2009 sur la dernière phrase de Salammbô de Flaubert qui, selon Abassi, peut justifier et illustrer une poétique du texte-limite. La passion du Beau Dans « Poétique romanesque, XIXe », Ali Abassi ne se contente pas de retrouver ses premières amours en matière de littérature et d'approche critique ; il nous fait aussi partager - et c'est essentiel pour nous autres lecteurs- le plaisir d'aborder les textes sous des angles différents et originaux pour une découverte toujours renouvelée des sens multiples de l'œuvre littéraire et artistique. Ce n'est pas seulement le brillant chercheur qui nous convie à cette délicieuse quête herméneutique, mais le pédagogue dont le souci permanent est de redécouvrir, de valoriser et de transmettre l'art et les joies de la lecture. Dans tous les cas, « Poétique romanesque, XIXe », comme le sont les précédents écrits d'Ali Abassi, est surtout l'œuvre d'un passionné des Belles Lettres et d'un « coureur » du Beau dans toutes ses expressions. B.B.H. ----------- *Poétique romanesque, XIXe, Publications de l'ENS et Editions Sahar, Tunis, avril 2010, prix public 15 DT. ** Ali Abassi est professeur de littérature française et de littérature comparée, essayiste et écrivain francophone. Actuellement, il est directeur de l'Ecole Normale Supérieure de Tunis. Outre ses ouvrages de recherche que nous avons cités plus haut, on lui doit quatre romans : Tirza, , Gallimard, Paris et Cérès, Tunis 1996; Voix barbares, 1999, Inchallah le bonheur, 2004, Erratiques 2006 (tous trois publiés aux Editions Sahar).