Le festival international d'Hammamet nous a proposé avant-hier une exceptionnelle rencontre entre les derviches tourneurs et les neyzens de Konya. Ce spectacle privilégié, où le chant, la musique et la danse s'épousent, constitue un véritable dialogue, à la fois artistique et spirituel. Ce concert sacré a été une grande découverte pour le public d'Hammamet. De réputation mondiale, l'ensemble des derviches tourneurs de Konya (les Mevlevis du nom de l'ordre soufi fondé par le fils du maître (Jelel Ad-Din El Roumi) vit et travaille dans la ville où est apparu ce rituel soufi au 13ème siècle. Cet ensemble de musiciens, chanteurs et danseurs présente depuis plus de vingt ans l'un des aspects les plus envoûtants de la culture mystique de Turquie. Leur spectacle à Hammamet fut envoûtant, une véritable expérience spirituelle. L'ensemble des neyzens entama la soirée en interprétant des morceaux de musique enivrants. Yusuf Kayya ( ney), Ka€an Ulafl ( tanbur, Ömer Faruk Belviranli (chant soliste,) Süleyman Yardim (ney), Muhammet fiükrü Firat (ney), Mustafa Celalettin Aksoy (kanun), Ali Vefa Sa€bafl (kemence, bendir), et Suat Orhan (bendir), nous plongèrent ce soir au coeur de la tradition classique turque où le ney est un des instruments les plus importants. Cet instrument traditionnel à la fois populaire, savant et sacré exprime le raffinement esthétique classique et le souffle mystique des derviches. Depuis le XIe siècle, les sectes islamiques Sufi et Derviche de Konya utilisent le ney pour provoquer des états de transe et d'extase. Cet instrument occupe une place importante dans la musique des mevlevî en général et au sein même de la cérémonie des derviches tourneurs.Le public ravi essaie de vivre cette atmosphère des neyzens et par la- même découvrir un nouveau style musical, qui de nos jours demande à être plus connu dans nos cultures. Les touches du Celalettin aksoy au Kanoun expriment une sensibilité et des couleurs d'ici et d'ailleurs, avec des influences parfois mystiques appréciées par l'assistance. Dans un seul morceau, on écoute différentes facettes de cette musique spirituelle. Des rythmes mystiques, joyeux mais parfois mélancoliques et une parfaite symbiose entre les musiciens et le public. Tous les ingrédients d'une soirée succulente. Le Semâ, danse giratoire et le Zikr, hymnes chantés ont meublé la deuxième partie de la soirée. Ces deux arts, sont intimement liés, leur nature extatique permettant au Derviche d'entrer en communion mystique avec l'univers. Konya, ancienne capitale impériale des Seldjoukides, abrite le sanctuaire de Mevlânâ, sage soufi dont les derviches entretiennent le souvenir, perpétuant son enseignement mystique fait de poèmes et de pensées héritées de Djalaleddine Rumi, au XIII e siècle. Leur cérémonial inclut les chants et le jeu d'instruments de musique. Mais c'est surtout la danse qui frappe les esprits. La giration spectaculaire est un moyen d'accéder à la communion physique avec Dieu. La paume de la main droite tournée vers Dieu et la paume de la main gauche tournée vers la terre, l'une recevant la lumière divine et l'autre la transmettant, il y a un rite et un enseignement mystique, la tariqa (la voie) étant une forme de cheminement vers Dieu. Cette cérémonie soufie, cette invitation au voyage, ce rendez-vous exceptionnel des derviches qui tournent jusqu'à la transe a retenu l'assistance fascinée par cette culture mystique turque. Comme toutes les manifestations du soufisme, elle relève d'une spiritualité qui met en avant l'intériorisation, la contemplation et la sagesse.