Dans le cadre de la 28è session du Festival de la Médina de Tunis, le public a eu rendez-vous hier (17 août), avec la musique et les chants soufis de Abbas Bakhtiari et son ensemble Pouya. Abbas Bakhtiari était accompagné de quatre musiciens : Mohammad Ali Merati (daf et târ), Mohamadjani Sardar (oud), Javid Yahyazadeh (nay), Navid Saeedi (târ). Les différents chants soufis étaient assurés par Abbas Bakhtiari qui jouait également du daf (sorte de grand tambour qui accompagne les chants sacrés) dont il est le maître incontesté. Le chanteur a convié ses auditeurs à un florilège de chansons spirituelles traditionnelles puisées dans la poésie des grands poètes perses, notamment des poèmes de Jalal Eddin Erroumi (1207-1273) qui passait pour le maître du soufi et que l'UNESCO a choisi en 2004 comme symbole de la tolérance et des valeurs humaines. 80% des poèmes chantés ce soir-là furent de ce grand poète dont les œuvres sont très appréciées par les Iraniens et les Turcs jusqu'à nos jours. Le chanteur a également interprété quelques poèmes de Chamseddine Mohamed Hafiz (1320-1389), le plus grand poète lyrique et auteur de panégyriques persans, avec Omar Khayyam. Son diwan (recueil) renouvelle tous les genres classiques et développe le ghazal (poème d'amour). Hafiz fut vénéré aussi bien en Orient qu'en Occident, pour son raffinement et sa fraîcheur. Le public a eu aussi droit à un poème de Abu al-Qasim Mansur Ferdousi, l'un des plus grands poètes épiques persans qui a vécu entre 920 et 1020, auteur de la célèbre et considérable épopée « Chah-namè » (le Livre des rois). Il enchaîna ensuite avec quelques poèmes de Mucharrif al-Din Saâdi (1213-1290), poète persan dont les œuvres furent traduites en Occident dès le 17è siècle. A certains moments, des compositions instrumentales jouées en solo par le luthiste ou le flûtiste ont permis aux assistants de bien savourer la musique spirituelle émanant de ces deux instruments très évocateurs des sentiments et des pensées d'un soufi. Abbas Bakhtiari et son ensemble « Pouya » (qui veut dire « chercheur » en persan) avaient retenu l'attention du public qui, quoique peu nombreux, s'est montré connaisseur et très respectueux pour ce genre de musique qui a vécu des moments de méditation et de recueillement. Aussi a-t-il applaudi chaleureusement le chanteur et sa troupe à chaque fin de chanson. Les assistants, très concentrés, ont prêté l'oreille et tous leurs sens à la musique et aux chants soufis qui s'adressaient à l'âme et qui invitent chacun à un voyage vers des horizons inconnus pour découvrir les mystères de la vie humaine. Ce soir-là, nous avons exploré l'essence même de la musique soufie et spirituelle telle qu'elle est pratiquée depuis plusieurs siècles en Iran. C'est une musique de méditation dont les rythmes sont lents, calmes et mesurés, et qui expriment les différents états de l'âme, les divers moments de la vie de l'être humain, ses rapports avec l'Etre- Suprême et la nature. Pas mal d'enseignements à tirer de cette musique spirituelle, quand elle est puisée dans les sources du soufisme.