A quoi songez-vous ? demanda le vent à la plaine. Aux pensées éphémères emportées par l'eau à la poursuite des messagers de la folie, répondit la plaine en ouvrant ses douces vagues de sable à la Lune aux prunelles fermées. Serait-elle morte pour l'éternité ? Sa mort serait-elle le silence pleureur du poète ? La reverra-t-il ? Hirsute, il ira parcourant l'immense désert des amants transis, sans visage sans orage ni pluie, sans soif, sans mirage, sans morsure de soleil, sans aube volatile, ni nuit ni désir. Il ira à la recherche d'une mère voilée d'ambre et de rosée, ouverte à ses fureurs d'enfant, libérant toute sa lumière pour qu'il puisse garder entre ses yeux, mi-clos le premier songe du monde. En quoi, alors, cela peut-il nous intéresser de savoir si Moëz Majed est chef d'entreprise, tunisien ou trafiquant de mots-molotov au fin fond du pays paradisiaque de la Reine de Saba ? La poésie francophone a-t-elle besoin de gants de toilette aseptisés pour revenir sous nos cieux ? Les a-t-elle jamais quittés ou y a-t-elle résidé assez longtemps pour qu'on puisse se familiariser aux rythmes scellés dans une modernité qui n'a pour objectif que de saluer ses vénérables et anciens géniteurs ? Le poète s'en fout. Il se prend au jeu de la muse au bois dormant en pensant lui redonner vie rien qu'en pleurant sur « ses mains si blanches » en embrassant « ses boucles si brunes » pour éclater en fin de parcours, de rire outrageux faisant craqueler ses insolentes prunelles. Ce poète – comme nous - se fout de savoir si sous les voiles de sable de la mère, un briseur de cœurs avance en catimini à la recherche d'une Venus en herbe qui trône au seuil de l'été. On se fout aussi de connaître la famille poétique parmi laquelle Moëz Majed a évolué. On ne peut hériter que d'un patrimoine mobilier ou immobilier de quelque bien immobile mais jamais de poésie, ou bien on ira, samedi soir, traîner notre blues du côté des jardins en ruine et demander aux anges malades qui les peuplent. - « Servez-moi, s'il vous plaît, deux cents grammes de poésie ! ». - Fraîche ou stérilisée ? demandera l'Ange-Marchand. - Fraîche, de préférence, répondra le poète sans fièvre du week-end. « Octobre… En toi assoit son royaume ». Car, c'est en toi que la cinquième saison viendra chercher un refuge vertical. Moëz est entré en guerre. Le désert est infini et la folie, toujours, suprême.