Toute révolution s'accompagne d'une période de violence, d'appropriation illégale et de forfaitures en tous genres. Ce qui se passe actuellement à Tunis et ailleurs c'est une forme d'anarchie sans contrôle, hors de toute légalité. Au centre ville, c'est la gabegie, avec des étals de produits chinois qui accaparent tous les trottoirs et même les chaussées de toutes les rues et les ruelles. Sous les arcades, du côté du marché central, rue Charles de Gaulle : tout le paysage du centre ville devient une forme anarchique de la rue Bou Mendil... Et gare à vous si vous osez protester car vous ne pouvez pas passer : on vous sortira immédiatement le drame vécu par le martyr Mohamed Bouazizi, alors que la situation est tout à fait différente. Nombreux sont les commerçants qui se plaignent dans ce quartier et ailleurs de cette situation, car affirme l'un d'eux « nos clients potentiels ne peuvent même pas avoir accès au magasin. » Un autre se plaint de tout autre chose : « ces marchands ne cessent de vanter leurs articles à haute voix et je vous assure que c'est pénible de supporter ces cris toute la journée… » Mais ces mêmes commerçants évitent la confrontation, préférant faire des propositions constructives : « il faut que les autorités de tutelle leurs réservent des espaces aménagés et organisés, avec toutes les commodités : eau, électricité, toilettes… Tout le monde y trouverait son compte ! » Une opinion qui trouve également un écho favorable chez ces marchands ambulants : « moi, dit l'un d'eux, si on me réserve un espace respectable et pas trop éloigné de la ville, je veux bien aller ailleurs et m'installer loin de ces rues où on nous bouscule à longueur de journée… » Ailleurs, des citoyens se permettent de construire rapidement des maisons sur des terrains qui ne leurs appartiennent pas, sans autorisation et souvent sans un plan exécuté par un architecte. Sur Facebook on peut d'ailleurs voir toute une série de petits reportages effectués par de nombreux internautes, montrant des tas de sables, de gravier et de matériaux de construction sur des terrains vagues, et qui sont utilisés pour ériger à la va vite des maisons de toutes sortes. L'histoire la plus incroyable c'est celle rapportée par un citoyen qui a un appartement rue de Londres, en plein centre ville d'où il a déménagé, le laissant vide, en attendant que son fils s'y installe quelques mois après, dès qu'il sera marié. En effectuant une visite de contrôle à son appartement, il a eu la surprise d'y découvrir une famille qui se l'était appropriée et qui y était confortablement installée depuis les premiers jours de la révolution… Après une vaine tentative de raisonner le couple, notre citoyen a fait appel à la police, qui est arrivée avec des membres de l'armée, afin de le rétablir dans ses droits. Mais là, le couple s'est menacé de se suicider en s'immolant par le feu ! Devant cette situation ubuesque, les forces de l'ordre se sont retirées pour éviter le pire, conseillant au maitre des lieux de porter l'affaire devant les tribunaux. Il parait d'ailleurs que, depuis, cette histoire s'est répétée dans plusieurs quartiers, avec ce même comportement, cette même attitude. Une situation qui ne peut pas durer, car la loi doit être la même pour tous et aucun citoyen, riche ou pauvre, n'a le droit de spolier un autre citoyen, sinon, c'est la loi de la jungle qui s'installe. Rappelons cette ancienne pensée qui dit que « la liberté de l'un finit là où commence celle de l'autre ». La révolution, oui. La gabegie, non. Alors apprenons à nous respecter mutuellement et ne laissons pas les acquis nouveaux se retourner contre ceux qui les ont si chèrement payés. Il y va de la survie de cette belle révolution…