Et si on inversait le problème du commerce parallèle et anarchique en asséchant ses sources d'approvisionnement, au lieu de se plaindre des problèmes inextricables qu'il pose ? Une question anodine, mais qui pourrait résoudre en partie le problème de l'emploi, en produisant et en consommant tunisien et en même temps débarrasser le pays de toute une série de tracas à tous les niveaux… Si on retrace l'histoire du marché parallèle en Tunisie, on s'aperçoit qu'au départ, il y avait de petits étals sur les marchés hebdomadaires, avec des marchandises chinoises, souvent importées sans payer de droits de douane ou en passant par la frontière libyenne. Puis il y a eu l'ancien souk Moncef Bey, celui qui a brûlé il y a quelques années, qui s'est spécialisé dans l'électroménager et l'électronique grand public. Un habitant de la Médina de Tunis se souvient : « ce n'est que quelques années plus tard que le prolongement de la rue de la Commission, rue Sidi Bou Mendil, va se transformer en marché parallèle attitré des marchandises importées d'Asie. En fait, l'essor de cette rue fait suite de l'occupation, quelques années plus tôt, de la rue Zarkoun par les articles pour jeunes venant d'Italie, alors qu'auparavant elle regorgeait de trésors d'objets anciens… » Une grande Mafia va dès lors sévir dans toute cette zone, soutenue par certains membres de l'ancienne famille de l'ancien président. Des containers entiers passaient la douane sans aucun contrôle et des dessous de tables étaient versés à ces personnages louches et qui louchaient vers le gain facile. Résultat, selon un ancien patron d'usine de sous-vêtements : « des centaines d'usines et de petites PME ont été obligées de mettre la clé sous la porte et on a été obligés de renvoyer des centaines de travailleurs. Ce commerce parallèle a ainsi fait, et continue à faire beaucoup de mal à notre économie, pour le profit d'un petit nombre d'individus assoiffés de gain facile et de profit rapide. » Aujourd'hui, de nombreux jeunes profitent de la liberté créée par la révolution et de l'absence de sévérité des autorités en place, pour envahir toutes les rues, même celles qui sont la vitrine de la capitale. On se souvient des difficultés que les agents de l'ordre ont eues pour les faire dégager des environs de la porte de France il y a quelques semaines. Or ils se sont réinstallés sous les arcades, dans la rue Charles de Gaulle et jusqu'à l'avenue de Paris. Nous avons signalé leur présence envahissante sur la place Le Passage. Or depuis trois jours ils ont installé des tentes et des parasols jusqu'au jardin voisin, poussant l'indifférence, ou l'inconscience, jusqu'à étaler leur marchandise sur la chaussée, dans un espace saturé, où la circulation est complexe et la foule très dense… « Le nombre de vendeurs ambulants semble grossir de jour en jour et aucune autorité ne semble capable d'enrayer le mouvement anarchique », se plaint à juste titre un commerçant du coin... Chinoiseries douteuses Et puis il y a les produits qu'ils proposent : rasoirs électriques qui ne rasent rien, crèmes aux couleurs douteuses, verres qui n'ont rien à voir avec le cristal, gel douche puant, mixeurs qui rendent l'âme en deux tours, champoing qui rend chauve, piles qui se vident bien vite, déodorants puants, rouges à lèvres qui donnent des irritations : la liste est bien longue de ces objets peu onéreux, mais si dangereux… Toutes ces chinoiseries sont proposées à des prix défiant toute concurrence et que le bon peuple achète avec frénésie, croyant faire une bonne affaire. Car personne ne sait d'où viennent ces produits, ni qui les a importés. C'est un sujet tabou dans ce milieu fermé, constitué de clans familiaux, de tribus, d'habitants d'un même quartier, d'une même région. Bien sûr, aucun contrôle n'a été effectué par les autorités de tutelle et en cas de blessure, d'allergie ou gros problème de santé, personne n'en portera la responsabilité. Un dermatologue a tenu à attirer l'attention du public : « je voudrais exhorter tous les tunisiens à éviter ce genre de produits qui viennent d'Asie sans aucune vérification. Des dizaines de problèmes résultent de cette absence de contrôle, comme les allergies ou l'eczéma. Sans oublier les complications à long terme à cause des produits nocifs contenus dans les plastiques ou les métaux… » C'est donc cette Mafia qui doit être dénoncée et son activité qu'il faudrait geler. Il est inconcevable qu'une telle situation perdure, car ce serait la continuation d'un système qui a fait trop de mal au pays. Si des commerçants veulent importer des marchandises chinoises, ils sont libres, mais ils doivent payer des frais de douane conséquents. Il faut en outre veiller à ce que le circuit de distribution soit légal et non anarchique et ténébreux…