Il est rare de voir des commerçants faire grève, puisqu'ils sont leurs propres patrons et que leur commerce est leur gagne pain. Or c'est exactement ce qui arrive actuellement au sein de la rue Charles de Gaulle, cette artère où la classe moyenne vient régulièrement s'approvisionner en vêtements, chaussures et autres articles d'habillement. Prévue pour débuter aujourd'hui, samedi 19 février 2011, elle a en fait commencé dès jeudi après midi, lorsque tous les riverains ont décidé de baisser leur rideau métallique. Une vision étrange qui contraste avec l'activité frénétique de cet espace commercial très apprécié par de nombreux tunisiens… La raison de ces rideaux baissés et de ces portes closes n'est autre que la présence envahissante et anarchique d'un nombre croissant de marchands ambulants qui s'installent sur le trottoir et encombrent le passage. Interrogés sur les raisons de cette grève et de ces portes closes, de nombreux commerçants se sont plaints des vendeurs à la sauvette… Pour l'un d'entre eux, ces jeunes gens " montent de petits échafaudages de bric et de broc sur une portion de trottoir déjà exigüe, bouchant la porte d'entrée de nos boutiques, étalant une marchandise chinoise de mauvaise qualité, jetant les emballages à même le sol dans une gabegie indescriptible… Nos clients ne peuvent même pas avoir accès au magasin. " Autre contestation, plutôt inattendue énoncée par un autre commerçant : " ils n'arrêtent pas de crier pour vanter leur marchandise, au point de vous donner mal à la tête et je vous assure que c'est pénible de supporter ces cris toute la journée… Et lorsque vous protestez, ils s'attaquent à vous à plusieurs, vous agressent, vous insultent et parfois vous donnent des coups. C'est impossible de travailler dans ces conditions ! " Lorsque nous sommes arrivés hier vendredi 18 février 2011, vers onze heures du matin à la rue Charles de Gaulle, une dizaine de policiers, dont de hauts gradés, tentaient de raisonner les jeunes commerçants ambulants et de les convaincre de déménager dans les rues avoisinantes. Certains se montraient conciliants, alors que d'autres tentaient de faire de la résistance… Le changement d'attitude et de ton de ces policiers étaient étonnants et surtout inimaginables il y a encore quelques semaines. En effet, le plus gradé de ces policiers expliquait patiemment aux jeunes marchands la nécessité d'aller s'installer dans les rues avoisinantes, moins commerçantes. Ensemble, ils discutaient, les jeunes remettant en cause cette décision et leur vis-à-vis expliquant de façon pédagogique la nécessité de déménager. Ce gradé expliquait la situation en ces termes : " les autorités de tutelle sont en train de vous chercher des espaces aménagés et organisés, où vous trouverez toutes les commodités, comme l'eau, l'électricité, des toilettes… Cela sera une réalité dans quelques jours. En attendant, il faut quitter cette rue. " Bon gré, mal gré, les jeunes quittaient un à un la rue, mais restaient en embuscade, jouant au chat et à la souris, déposant leur marchandise dans les halls d'immeubles avoisinants… Tout ce beau monde estime avoir raison, alors que les agents de l'ordre se retrouvent dans la délicate situation de celui qui doit ménager la chèvre et le chou. Il est donc urgent de trouver une solution définitive à cette épineuse question qui génère une tension quotidienne entre des tunisiens qui défendent chacun son droit au travail…