Par Hechmi GHACHEM - Nous sommes enfin libres. Ou du moins on nous le dit et nous le voulons. Même si la liberté est un océan aux profondeurs inconnues. La liberté fait peur ! Surtout pour des créatures habituées à vivre sans assumer aucune responsabilité concernant leur existence. Des créatures beaucoup plus proches des poulets que des aigles. Cela ne dure pas depuis 23 ou 60 ans mais depuis quelques siècles. Depuis la chute de Grenade les peuples de la Rive sud de la Méditerranée survivent à leur situation d'esclaves en provoquant des sursauts épisodiques pour briser leurs chaines et jouir enfin de la lumière. Mais à chaque fois, les forces des ténèbres sont là..qui les guettent pour les ramener encore plus profondément vers le monde des aveugles silencieux. La Révolution va, certes, être accompagnée par une ébullition de créativité dans le domaine des arts et de la littérature mais –modernité oblige- le monde médiatique ne va pas (et ne doit pas) rater la vague qui va déferler sur l'horizon fermé par tant de siècles de soumission et de tyrannie. Premier champ à investir : celui de la bande FM et des radios libres. C'est en 1987 que profitant du départ forcé de Bourguiba, j'ai entamé la première campagne de presse pour la libération de la bande FM. S'en suivit la naissance d'un petit groupe de supporters rapidement écrasé par la machine répressive du chef mafieux local, le pathétiquement célèbre Ben Ali. Passé maître dans le vol et les razzias sous toutes leurs formes, ce dernier et son clan ont vite fait de “libéraliser“ à leur façon la bande FM. Sur quelle loi s'est-il appuyé pour ce faire ? Toujours la même ! Derrière cette radio zaâma-zaâma moderne et jeune on retrouve –par le pire des hasards- un membre fort respectable de sa non moins respectable belle famille. Avec Radio Zeitouna, Chams FM et express FM, les cartes sont à découvert dés l'entrée en jeu puisqu'elles appartiennent respectivement à son gendre, à sa fille et au fils du fameux médecin qui a signé la mise à la retraite “tardivement anticipée“ de Bourguiba. Le même modèle sera appliqué aux télévisions “privées“ mais laissons ce dossier pour plus tard et occupons-nous du devenir de la bande FM. En 1981, avec l'arrivée de Mitterrand, à la tête de l'Etat français, on a assisté à une émergence des radios libres. Liberté qui dura à peine trois années puisque ni la gouvernance socialiste ni la bande FM ne pouvaient (la première pour des raisons politiques et la seconde pour des nécessités techniques) supporter plus longtemps l'engouement extraordinaire provoqué par ces petites radios. Il y eut deux garde-fous incontournables pour que les radios libres puissent exister : être totalement dégagé de toute influence ou main-mise d'un courant politique organisé en parti et de tout trust financier. Cela pour préserver l'autonomie des médias et la liberté des journalistes pour agir sans entraves, en leur âme et conscience. Ces deux garde-fous nous semblent, aujourd'hui, devoir figurer en première ligne pour la création des radios libres en Tunisie. Ces médias doivent appartenir aux journalistes dans un cadre associatif et être complètement dégagées de tout lien avec les partis politiques et les entreprises commerciales et financières. Il y va de l'avenir et de la sauvegarde de la liberté d'expression dans le pays. Quant à leurs financements, cela fera le sujet d'un autre article. A suivre donc.