Par Khaled GUEZMIR - Enchanteur encore une fois, ce Caïd Essebsi tel un vieux fusil sorti des placards de l'Histoire mais, sans aucune ride à 85 ans, s'il vous plait… épate les Tunisiennes et les Tunisiens. C'est quand même injuste la politique ! Imaginez cet homme relayer le grand Hédi Nouira en 1980 ou Mohamed Mzali en 1986. La Tunisie aurait eu certainement un autre visage et un autre destin que celui d'un « fonds de commerce » d'une dictature corrompue et d'une mafia sans foi ni loi. Les historiens, sociologues et psychologues devraient nous aider à déchiffrer ces dérapages de l'Histoire qui font que l'Homme qu'il faut n'est jamais à la place qu'il faut ! Quelles sont les forces de retentions centrifuges et autres pesanteurs qui ont fait que Bourguiba lui-même ait fait le mauvais choix au moment où le destin du pays et je dirai son identité même étaient en jeu au soir du 6 novembre 1987 ! Certains pourraient parler de l'éternelle pression du sérail ou de la « cour »… Dieu pardonnez à Mme Saïda Sassi ! Nicolas Machiavel n'avait-il pas mis en garde son « Prince » contre l'environnement et la soumission de ses conseillers et de ses proches. D'autres agiteront le spectre du régionalisme en reprochant à Bourguiba d'avoir favorisé sa région et sa ville natale qu'il affectionnait beaucoup. Mais ceci est un détail. Pour ma part je préfère revenir au mode de la sélection politique. Pourquoi Ben Ali à la tête de l'Etat en 1987 et non un Caïed Essebsi ou autre leader de la même envergure ? Pourquoi l'actuel Premier ministre qui a eu une formation et un « apprentissage » de qualité et une grande expérience de la politique, à travers le parti libéral destourien puis en dehors, et surtout dans les postes de Souveraineté qu'il a occupés à l'Intérieur et aux Affaires étrangères a-t-il été éliminé du circuit politique à la force de l'âge ? Pourquoi à titre d'exemple un Sarkosy qui était opposé à Chirac et qui a été le lieutenant de Balladur à des élections perdues, peut-il revenir au premier plan de la politique française et briguer la présidence, alors qu'un Caïed Essebsi, un Ahmed Mestiri et la liste est longue sont-ils envoyés aux oubliettes et éjectés de la scène politique tunisienne ? Il aura fallu un séisme révolutionnaire pour les rappeler aux bons souvenirs de la Nation. A notre humble avis il faut revenir au vieux concept de la « Aaçabia » du fondateur de la sociologie Ibn Khaldoun pour comprendre et appréhender ce phénomène. La sélection politique dans notre pays même du temps de Bourguiba n'a pas échappé à une certaine forme de « clientélisme » et d'allégeance d'abord au « système » puis à la personne du « chef ». Cette dérive a atteint son « seuil critique et de non retour » comme disent les politistes, avec « l'Etat-Ben Ali » où les « milices » se sont substitué aux ministères et à l'administration elle-même. C'est ce que j'appelle « la milicisation » de l'Etat qui n'est d'ailleurs pas propre à la Tunisie mais qui est le fait dominant du monde arabo-musulman… suivez mon regard du côté de la Syrie, de la Libye et j'en passe ! Combien de hauts cadres valeureux et super compétents de la nation ont-ils été limogés et écartés par le dictateur et sa junte civile parce qu'ils n'appartiennent pas « aux nôtres » (Mahouchi mtaâna…) ! Ce « label » de l'allégeance au système et au dictateur était la règle incontournable à la base de la sélection politique qui a conduit le pays au totalitarisme et toutes ses injustices. Aujourd'hui la Tunisie a son destin en main, mais elle doit établir les bonnes règles du jeu pour que la sélection politique réponde au « mérite » plutôt qu'à l'allégeance des chefs,… des partis et des groupes de pression les plus structurés et les plus en vue. Méfions-nous du régionalisme, du clientélisme et surtout de la « Aaçabia » à tous les niveaux de la sélection politique. Revenons plutôt à la constitution de Carthage qui plus de 5 siècles avant Jésus-Christ, recommandait le choix des dirigeants politiques et des « magistrats » de l'époque sur la base du « seul » mérite des candidats prétendants au pouvoir. A nous de choisir les hommes qu'il faut à la place qu'il faut en s'attachant à bien vérifier leur cursus, leur formation et surtout leurs programmes politiques – économiques et sociaux, plutôt que de chercher à quelle chapelle ou à quelle région ils appartiennent. En fait, des examens qui nous attendent, celui de la sélection politique est à notre avis le plus noble mais aussi le plus déterminant et le plus dangereux. Entre-temps que de regrets de voir une compétence nationale et patriotique comme celle de Si El Béji réduite à gouverner pendant seulement cinq ou six mois… et en temps de crise ! « Wa in saâltom Allah fa isaâlouh al bakht ! »