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Lettre ouverte à Monsieur Béji Caïd Essebsi
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 31 - 03 - 2011


Par Ridha BOURKHIS(*)
«Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur», Beaumarchais
Sans y aller par quatre chemins, je vous suggère d'abord, Monsieur le Premier ministre du gouvernement provisoire, de lire — ou de relire — le témoignage très alarmant de cette femme de Kasserine, Harbia Halimi, que le journaliste tunisien de notoriété, Youssef Seddik, a écouté par lui-même, traduit du dialecte et publié, jeudi 24 mars dernier, dans le quotidien national La Presse de Tunisie‑: "Le chef de la police, vestige de l'ancien régime du président déchu est encore là. Il arrête son jugement, torture, fait signer des procès-verbaux entièrement rédigés par lui avant d'être soumis à la signature du prévenu. Il s'agit de mon fils Sedki, un handicapé, il vit de la moitié du foie et sans la rate, marié, père d'une petite fille née cette semaine pendant sa détention".
Bien sûr, intelligent comme vous êtes, vous ne risquez pas du tout d'opter pour la facilité et d'essayer de nous faire douter de la véracité de ces propos qui n'engagent pas seulement l'honneur de cette respectable citoyenne de Kasserine, mais aussi celui de cet intellectuel tunisien, bien engagé aux côtés des démocrates de notre pays, qu'est Youssef Seddik et qui atteste, dans son papier, l'authenticité de ce témoignage, en traduisant aussi la "menace" ou la "promesse" de cette femme blessée, humiliée, déçue, de refaire la Révolution des laissés-pour-compte et des opprimés, si les injustices perdurent‑: "Nous la ferons encore si nous avons à la faire‑!"
Une autre tête de l'hydre de la dictature
Ainsi donc, Monsieur le Premier Ministre, dès que se relâche un peu la vigilance de ceux qui ont fait la Révolution , une autre tête de l'hydre de la dictature renaît dans l'ombre et frappe sans pitié‑! Frappe comme au temps de Ben Ali et de ses sbires‑! Frappe et nous pousse à chaque fois à nous demander, non sans beaucoup d'inquiétude, si ceux qui nous gouvernent, pendant cette période de transition, prennent au sérieux la Révolution de notre Tunisie, s'ils essayent sérieusement de s'y adapter, si sérieusement ils œuvrent pour qu'elle porte ses fruits‑!
Et ceux qui nous gouvernent, Monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas seulement vous-même, qui êtes le bienvenu là où vous êtes, et le gouvernement provisoire que vous dirigez. Non‑! C'est aussi l'administration où trônent encore des P.-d.g. suspects et des fonctionnaires louches qui ne retournent leurs vestes que pour faire oublier leurs forfaits et profiter encore de leurs postes ! Ceux qui nous gouvernent sont aussi ceux qui, à la police comme à la douane, la justice et ailleurs, ont été démis de leurs fonctions sans être jugés. Suffit-il de démettre un fonctionnaire de ses fonctions pour rendre justice au peuple que ce fonctionnaire a volé ou abusé ou dont il a transgressé les droits afin de faciliter ou de servir la corruption et l'injustice‑? Ne sommes-nous pas en droit de voir dans cette démarche une manière, peut-être perfide, de permettre à ces accusés ou coupables d'échapper à la justice‑?
Ceux qui nous gouvernent, Monsieur le Premier ministre, sont aussi les délégués (el-moâtamadines) que ce gouvernement provisoire a nommés et dont certains, confortablement installés dans leurs prestigieux postes, ne peuvent que rester "fidèles" à l'idéologie et aux pratiques haineuses de leur RCD, pourtant dissout. Seraient-ils honnêtes, eux qui ont "grandi" dans l'ombre d'un dictateur, d'un parti-Etat et d'un régime policier ayant fait de la falsification et de l'imposture ses propres fondements ? Rien n'est moins sûr !
Au ministère de la Justice comme à celui de l'Education nationale et celui l'Enseignement supérieur, tout le monde sait que des anciens rcédistes qui ont servi, avec zèle et complicité, franchement ou sous quelque voile, le dictateur, occupent aujourd'hui des postes importants dont il ne rêvaient même pas, pendant la dictature qu'ils servaient d'une manière ou d'une autre. Ils y sont, grâce à leur RCD ou à leurs relations avec des personnalités influentes. Ils y sont comme s'ils étaient indispensables, alors que notre pays grouillent de compétences. Il suffit de vouloir se débarrasser définitivement des opportunistes, des arrivistes et des avantagés du népotisme pour trouver, tout prêt de nous, ceux qui peuvent mettre au service de notre pays et de notre démocratie à la fois leur savoir et leur conscience.
Monsieur le Premier ministre, nous étions nombreux à saluer votre arrivée en février dernier à la tête de ce gouvernement provisoire qui a beaucoup titubé et qui, peut-être, titube encore ! Nous serions encore nombreux à penser que vous êtes un homme intègre, courageux, et très digne de cette lourde responsabilité que vous avez assumez courageusement. Nous avons beaucoup aimé votre rhétorique performante, apaisante et belle, bien rare de nos jours, qui témoigne non seulement de la force de votre éloquence, mais aussi de la perspicacité de votre esprit (cf- notre article dans La Presse du 6 mars 2011, p.9). Seulement le temps passe, Monsieur le Premier ministre, et nous ne savons encore presque rien de l'avenir de ceux qui ont pillé notre pays, saigné à blanc notre peuple, falsifié nos élections, muselé nos journaux, torturé nos activistes politiques, donné l'ordre pour tirer sur nos manifestants comme sur des chiens ! Où sont donc passés tous ces voleurs, tous ces fraudeurs, tous ces tueurs‑? Le jugement, particulièrement clément, sanctionnant l'un des brigands notoires de la mafia des Trabelsi, Mohamed-Naceur, fait sourire, quand il ne fait pas pleurer‑: rien que deux mois de prison et une amende dérisoire pour un grand pilleur de biens publics ! De qui se moque-t-on‑? Ose-t-on croire que c'est avec des jugements aussi ridicules qu'on finira par calmer la colère de notre peuple‑?
Bien d'autres pilleurs et corrompus courent les rues et personne ne les arrête encore, alors qu'on a toujours les moyens d'arrêter, sans difficulté, les petits voyous ordinaires ? On a encore les moyens de torturer, dès que possible, des citoyens comme "Sedki", le fils de "Harbia Hlimi", à Kasserine, ou comme d'autres !
Est-ce du show pour distraire la galerie ?
D'anciens symboles du régime ont commencé à être jugés, nous a-t-on appris. Leur brève apparition à la télévision semble avoir soulagé un peu les cœurs endoloris de beaucoup de téléspectateurs. Le spectacle de ces hommes de main de Ben Ali réduits à leur statut de délinquants poursuivis par la justice a en effet de quoi débarrasser un peu des milliers de gens de la haine ou de la rancune qu'ils ont longtemps nourries, en silence, contre ces sbires cyniques et arrogants, spécialistes surtout des basses manœuvres et des campagnes diffamatoires contre les journalistes, tunisiens et étrangers, et les intellectuels ! Mais, quand on constate que deux jours après ce petit événement médiatique, il n' y a plus rien à lire, plus rien à savoir sur leur grave affaire, dans les journaux et dans les informations de nos télévisions, on est en droit de craindre que ce qu'on nous a fait voir ne soit que des simagrées ou un simple spot de propagande pour le gouvernement provisoire faisant miroiter une justice qu'il ne semble pas vouloir assumer jusqu'au bout. Et nous revoici alors dans ce même diabolique système de simulacres qui permet aux criminels de fuir derrière un écran de fumée et de se faire oublier, le temps de vider le peuple de sa colère et de récupérer sa révolution. En attendant, un peu de show pour distraire la galerie et gagner du temps‑! Et ça procède, nous paraît-il, du même système qui a décidé l'autre gouvernement provisoire du Premier ministre démissionnaire à nous exhiber un soir, à la télévision nationale, à notre grande stupeur, les milliards et l'or emmagasinés, comme dans un conte pour enfants, dans la caverne mystérieuse de Monsieur et Mme Ben Ali, affamés et rapaces tels les personnages d'une légende qui laisse éberlué et sans volonté ! Est-ce avec ça qu'on croit pouvoir exorciser le profond sentiment d'injustice, la blessure et la rancune, toute légitime, qui habitent le peuple et qui ont motivé sa Révolution, celle-là même qui attend beaucoup de vous : vous avez bien dit dans votre discours inaugural du vendredi 4 mars dernier qui nous a redonné espoir, que votre gouvernement provisoire jugera tous les traîtres de la nation, tous les corrompus, leurs agents et leurs complices. Vous avez même parlé de "Grande Trahison" (Elkhiyana el odma), pour qualifier la fuite lâche de notre ancien dictateur. Alors, il serait temps pour vous, Monsieur le Premier ministre, de passer à l'action, dans la continuité et dans la transparence, celles-ci étant aussi les garants de votre crédibilité et de celle due votre gouvernement provisoire.
Ces partis suspects !
Autre chose : au moment où l'on assiste à la dissolution du RCD qui s'est gravement impliqué dans la fraude électorale, la torture, la chasse à la libre pensée, la corruption et le pillage de l'Etat, voici Monsieur l'ancien ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi, qui accorde sans difficulté et au nom de la démocratie, sûrement, des visas à des partis suspects dont les fondateurs ne sont autres que des symboles du RCD et de la dictature. Il y en a, parmi ceux-là, qui ont même fait tirer sur le peuple jusqu'au 14 janvier, et ce n'est pas avec les appellations flatteuses de leurs partis qu'ils vont pouvoir faire oublier à la Patrie leur arrogance aux côtés de leur dictateur, leurs discours mensongers contre les braves manifestants, leur implication dans la dictature et cette soif du pouvoir dont ils ne cessent de faire preuve. Pourquoi les aide-t-on à "oublier" qu'au lendemain de la chute du dictateur, des milliers et des milliers de Tunisiens ont manifesté plusieurs jours dans les rues de plusieurs villes pour qu'il soient enfin destitués de leur premier gouvernement provisoire‑? Pourquoi les aide-t-on à fausser par leur présence douteuse un jeu démocratique qu'ils n'ont rien fait pour préparer et qui ne cadre pas du tout avec leur esprit formé dans le Destour-RCD et qui répugne naturellement au multipartisme et à la démocratie. S'ils étaient démocrates ou convaincus de la nécessité d'établir en Tunisie le système du multipartisme, pourquoi n'ont-ils pas démissionné du régime de Ben Ali, comme vous, vous avez démissionné un jour du régime de Bourguiba, parce qu'intimement résolu à ne plus soutenir la politique du parti unique‑? Comment un docile serviteur de la dictature peut-il soudain s'improviser démocrate‑? Le ministère de l'Intérieur a opposé une fin de non-recevoir à quelques partis qu'il a dû juger dangereux ou menaçants, alors pourquoi répond-t-il favorablement à ces autres bien dangereux partis, improvisés à la hâte, après l'inattendue et rapide déroute du système dictatorial de Ben Ali, pour essayer de récupérer, par des moyens insidieusement "démocratiques" un pouvoir qu'on a soudain perdu et des ambitions politiques que la révolution a fait partir en lambeaux. Il n'échappe à personne, Monsieur le Premier ministre, que ces nouveaux partis fondés par des anciens destouriens-rcédistes comptent s'agglutiner autour de nos prochaines élections afin d'essayer d'arracher le maximum de voix en faveur de la vision politico-idéologique qu'ils ont en partage et qui constitue leur commun principe fondateur, malgré leurs apparentes différences, et former ainsi une majorité au sein de l'Assemblée constituante qui leur redonnera le pouvoir perdu avec Ben Ali. Certains parmi ceux-là, à qui on vient de donner le visa pour un parti politique, figurent, vous le savez, Monsieur le Premier ministre, sur la liste des 10 dirigeants rcédistes gravement accusés, en février dernier, par Monsieur le procureur de la République Tunisienne d'avoir volé des deniers publics‑! Comment peut-être l'objet d'une telle grave accusation et avoir en même temps le droit de fonder un parti et de se présenter aux élections ?
Monsieur le Premier ministre, en acceptant d'endosser cette responsabilité que nous croyons bien difficile, vous avez commencé à entrer dans l'histoire de notre pays par la grande porte. Tout s'annonçait très bien. Mais voilà que le brouillard et le doute se réinstallent entre votre gouvernement provisoire et le peuple. Mais, malgré nos incertitudes, nous gardons encore quelques bonnes raisons de croire que vous avez encore assez de force intérieure, d' habilité et d'honnêteté pour empêcher les opportunistes de voler les rêves de nos enfants ou de déblayer le terrain à d'autres sit-in, à d'autres manifestations, à d'autres retards, à d'autres pertes ou à d'autres violences et confrontations !


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