Il donne le tournis mais je ne peux m'empêcher de le voir entre deux courses et presque quotidiennement quand le hasard (généralement bien orchestré) le permet. Pourquoi ? Parce qu'il me fait rire, Pardi ! Et ensuite, parce qu'il me saoule de paroles car il ne perd jamais un instant qu'il pourrait consacrer à son long, lourd et fantastique labeur. Accoudés au zinc en sa compagnie, je n'ai jamais, cependant, l'impression d'être une escale ordinaire dans sa course vers l'infini. Non, en infaillible opportuniste, Harbaoui sait pourquoi il est là à cet instant précis et par ailleurs. Il s'amuse ? Certes, mais surtout il essaye de fixer l'itinéraire qui lui reste à suivre pour arriver à l'éclosion totale de son art. Il sait, cependant, qu'on n'y arrive jamais mais, comme tous les chasseurs de bonne volonté, il se décarcasse, se plie en quatre, fait tourner son corps plastique autour de son bras en parfait contorsionniste, se roule par terre en public, se redresse, lance sa charpente de fakir illuminé dans une danse effrénée et s'éclipse rapidement vers un autre rendez-vous, une autre escale vers le printemps possibilité un autre pas mousseux vers les rivages baignés de lumière de la mort. Il y a déjà quelques années, alors qu'il était au tout début de son chemin, je l'appelais « la fusée », depuis la fusée semble avoir détruit toutes ses commandes et virevolte au gré des vagues du néant dans un cosmos immaculé dont il est le seul maître. Harbaoui est-il passé par là ? Oui, il était assis sur ce coin de vague il y a à peine une minute mais on ne sait pas ni quand ni par où il est sorti. Mercredi dernier, on l'avait coincé du côté de La Marsa, à El Abdellia, plus précisément, pour une performance d'une heure, accompagné d'un jeune saxophoniste et d'un photographe. Je ne peux – ni n'ai l'envie – de raconter comment les choses se sont passées. Quelle était l'ambiance et ceci non que j'en sois incapable mais par pure méchanceté. Ceux qui n'ont pas assisté à la performance - ô combien performante - de Harbaoui, de ce mercredi, eh bien, ils n'y ont pas assisté. Voilà tout ! Cela vous apprendra que, dorénavant, et pour les temps à venir, dès que vous entendez parler de ce clown royal doublé d'un bouffon impérial, vous devez laisser de côté, femme, homme et enfants, chefs, seigneurs et bureaux et prendre vos jambes à votre cou, pour le rejoindre. Cette fusée, feu follet abstrait, minéral et métallique à la fois, est un véritable don de la nature. Normal, alors qu'on l'admire. Pour le moment, il est le champion irréfutable de l'arène plastique. Du moins, en attendant que d'autres combattants pointent leur joli museau barbouillé d'arc-en-ciel. Il est grand temps. Au suivant !