Le deuxième rendez-vous de la 29ème édition du festival de la médina a été consacré à Amel Mathlouthi, la Joan Baez tunisienne qui s'est illustrée après la révolution notamment avec une chanson « Ana Hurra », (je suis libre), devenue un grand succès que fredonnent des centaines de fans. L'an dernier, à Hammamet, lors d'un concert qui l'a réunie avec Abir Nasraoui, le public lui donné un satisfecit plus qu'honorable éclipsant de la sorte, sa consœur qui a chanté en seconde partie. D'où lui vient cette réussite grandissante de jour en jour ? De son tempérament d'aventureuse. Elle a osé adapter des chansons à sa voix fluette et aigue. Dimanche dernier, au Théâtre municipal devant des centaines de paires d'yeux et d'oreilles, malgré son trac, son concert restera marqué dans les annales du festival de la médina. Un festival qui, lui aussi tente de se développer en s'ouvrant à des expériences musicales spécifiques loin du cachet nostalgique habituel. L'auditoire composé de jeunes essentiellement, a réservé un accueil chaleureux à la jeune artiste toute de rouge vêtue qui n'a pas hésité d'enlever ses chaussures pour chanter pieds nus. Entourée de six excellents musiciens, Amel Mathlouthi, la guitare en bandoulière, a entamé son tour de chant par un refrain kurde. Elle bousille le micro à force de le triturer. Un autre micro et voilà c'est reparti pour environ deux heures de concert sans interruption. « Le chemin est long », lance-t-elle à l'adresse d'un public conquis qui comprend bien entre les mots. « Epineux », ajoute-t-elle, non sans un certain sourire ironique. Après un air où intervient un couple de danseurs et un « Je crois en toi », elle attaque un grand morceau du patrimoine musical tunisien qu'elle ajuste de manière impeccable, « Oum Zine Jamalia ». Castagnettes au bout des doigts, elle termine la chanson par la danse et les cris de joie des spectateurs qui ont apprécié cette nouvelle version de la Hadhra. Au terme de cet air très rythmé, elle reprend sa guitare pour « Fi bali tsawer » qu'elle dédie aux martyrs de la révolution, suivie de « Ma lkit », écrite en décembre 2009 pour Gaza mais qu'elle offre ce soir au paquebot « El Karama". Saisissante, cette fille qui joue d'un instrument en même temps qu'elle chante. Sublime dans « Narâlek dima dima » écrite par Yasser Jeradi contre toutes les dictatures. Les jeunes dans la salle réagissent en brandissant les drapeaux tunisiens et palestiniens. Nuée d'ovations pour cette nouvelle star de la chanson tunisienne post-révolution. Elle enchaîne encore à sa façon des refrains de Cheikh Imam, Marcel Khalifa, « Ougani » et « Jafra », et puis revient au répertoire tunisien avec un « Mouachah » : « Lama Bada » et Cheikh El Ifrit, toujours sur ton jazzy. Le public l'impressionne, elle quitte le programme et se permet quelques libertés pour terminer sur une de ses chansons favorites « Ana Hourra », une liberté conquise grâce à un style moderne à l'écoute des jeunes d'aujourd'hui. Amel Mathlouthi, une des plus belles révélations de l'année, assurément la plus douée des chanteurs engagés d'aujourd'hui. Inès Ben Youssef Jasmin.ch [email protected]