Un taux de chômage de presque 19 %, perte nette de 140 mille postes d'emploi, hausse continue du nombre des chômeurs atteignant les 738 mille, de plus en plus de jeunes âgés entre 15 et 29 ans sont sans emploi…le bilan du marché de l'emploi est, le moins que l'on puisse dire, catastrophique. Rien ne change dans le secteur. Au contraire, les chiffres virent au rouge. Ce constat a été confirmé hier, par des responsables du ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, des jeunes chômeurs ainsi que des entrepreneurs. C'est lors d'une journée d'étude co-organisée par l'Observatoire National de la Jeunesse et l'Organisation Internationale du Travail à Tunis que le problème a été soulevé. Nul ne peut nier que les mesures prises jusque là restent sans résultats palpables. Rien ne change pour les chômeurs, qu'ils soient diplômés du supérieur ou sans qualification universitaire, filles ou garçons. Pire encore : ce phénomène touche de plus en plus de filles depuis un an. Egalement, le problème s'amplifie davantage dans les régions, plus particulièrement au Centre Ouest et au Sud Ouest, où les jeunes chômeurs attendent toujours que les promesses faites lors de la campagne électorale soient tenues. Mais elles tardent toujours à venir. Même les dernières tentatives faites par les diplômés sans emploi ont été réprimées dans la rue sans résultat positif. Et ce, pour la simple raison que « les manifestations ne résolvent pas le problème du chômage », considère le ministre des Affaires sociales sur les ondes d'une radio privée au début de la semaine. Incapable d'arrêter des solutions radicales, le gouvernement provisoire n'a pas fait preuve de savoir-faire. D'ailleurs les zones classées habituellement en bas de l'échelle ont vu leur situation empirer. Le centre-Ouest En fait, le taux de chômage dans le Centre-Ouest a été multiplié par deux au bout d'un an, annonce Mme Fatma Moussa, Directrice de l'Observatoire National de l'Emploi pour atteindre ainsi les 28,6 % l'année dernière contre 14,8 % deux ans en arrière. D'autres constats désagréables ont été annoncés par la directrice de l'Observatoire. Elle parle de l'amplification du chômage des diplômés du supérieur avoisinant les 34 %, et de la hausse des indices du chômage de longue durée où, l'on passe plus d'un an sans travail. Ce problème se pose chez tous les demandeurs d'emploi, ceux qui sont sans éducation, ou ayant poursuivi une formation primaire, secondaire voire supérieure. C'est auprès des jeunes âgés entre 15 et 29 ans que l'on enregistre le phénomène, soit 529 mille sans emploi. Outre le chômage, le marché de l'emploi souffre d'autres problèmes d'ordre structurel. Cela est dû entre autres « à la nature de la croissance tunisienne, trop peu intensive en main d'œuvre qualifiée, à la mauvaise adéquation entre le système de formation et les besoins de l'économie ou encore à la faible dynamique entrepreneuriale », d'après Mohsen Hassan Docteur en économie et homme d'Affaires. Plan de développement Le plan de développement adopté jusqu'à ce jour se base sur des secteurs à faible valeur ajoutée, d'où moins de chances de travail pour les diplômés du supérieur. Les demandes dépassent les 60 mille alors que le marché n'offre que 30 mille opportunités de travail pour cette frange de la société, d'où un grand déséquilibre entre l'offre et la demande. Même les plus chanceux qui ont réussi à décrocher un poste d'emploi travaillent dans de mauvaises conditions, sans couverture sociale, ni contrat de travail. En effet, les statistiques affichées par l'observatoire démontrent que 58 % des jeunes qui viennent d'être intégrés dans le secteur privé travaillent sans contrat», annonce Mme Moussa. Recommandations Mais que faut-il faire pour résoudre le problème ou l'atténuer ? Cette question reste malheureusement sans réponse définitive, ni efficace. Cependant « il convient à court terme de créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois à la fois dans les services de proximité et dans la construction d'infrastructures pour répondre à l'urgence sociale et remettre à niveau les régions », recommande le Docteur Hassan. « Sur le long terme, il faut revoir complètement le système de formation pour le rendre beaucoup plus adapté aux besoins réels de l'économie », propose le spécialiste. Et d'enchaîner : « l'accès aux formations supérieures doit être repensé ». Il explique à cet égard qu'il faut « mettre en place une prospective dynamique des besoins de l'économie par métiers avec la participation des partenaires sociaux, permettant de piloter le système de formation ». Il importe également, « de diagnostiquer les secteurs connaissant une pénurie en main d'œuvre et d'informer les lycéens sur les débouchés des différentes filières universitaires par le biais d'un système d'orientation en ligne », ajoute M. Hassan. Certes, plusieurs recommandations sont formulées et présentées par différents spécialistes encore faut-il qu'elles soient valorisées et surtout prises en considération par le gouvernement provisoire. « Car ce problème ne se résoudra pas entre quatre murs », critique Maher Hamdi de l'Union des Chômeurs Diplômés. « Il faut nous impliquer dans toutes les démarches car nous avons notre mot à dire », appelle-t-il. Le gouvernement provisoire sera-t-il capable d'écouter à cœur ouvert les critiques ? Impliquera-t-il les jeunes dans cette approche ? Sana FARHAT
Chiffres clés Nous comptons en Tunisie 529 mille jeunes âgés entre 15 et 29 ans au chômage soit 72% des sans emploi Nombre de filles au chômage : 281 mille Nombre de garçons au chômage : 423 mille Taux de chômage au centre Ouest : 28,6 % Taux de chômage au Sud Ouest : 26, 9 % Taux de chômage au Sud Est : 24, 8 %