De notre correspondant permanent : Zine Elabidine Hamda L'investiture le 15 mai de François Hollande en tant que 7° Président de la cinquième république française marque une symbolique particulière dans le style, les choix et les discours. Depuis sa victoire le 6 mai, un certain nombre d'actes effectués par François Hollande sont autant de signes lancés aux opinions publiques nationale et internationale. Côté cœur, avant son investiture, il a fleuri, en privé, la tombe de sa mère qui lui avait appris « l'amour des autres », celle de Pierre Bérégovoy, l'ouvrier devenu Premier ministre sous François Mitterrand. Puis, accompagné de Mazarine Pingeot, auteure et fille de l'ancien président socialiste, il a rendu visite à la Bibliothèque François Mitterrand, symbole de culture et de rénovation. Filiation, simplicité et culture, trois valeurs qu'il va reprendre lors de son investiture. Les milieux médiatiques parisiens n'ont cessé de parler de « l'intronisation de François Hollande ». Ce fut, en fait, une investiture républicaine, la plus simple de la cinquième république, sans faste, mais sobre et digne. Bien entendu le protocole républicain a été respecté à l'Elysée. Après la remise traditionnelle des médailles, le Président du Conseil constitutionnel l'a déclaré 7° président de la V° république et 24° président de la république française en ces termes : « Vous incarnez la France, vous symbolisez la République, vous symbolisez les valeurs de la République et vous représentez tous les citoyens français ». Il a ensuite prononcé un discours dans le quel il a tracé le cap du quinquennat qui s'ouvre, rappelé les valeurs qui devraient fonder sa politique. Côté cour, des pas symboliques ont été faits, de façon réfléchie, pour lancer des indices qui marquent une démarche. Des plus simples aux plus flamboyants. D'abord, dans le protocole de l'investiture, François Hollande a choisi la musique qui devait être jouée, les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau. Un opéra-ballet significatif des thèmes porteurs de la « doctrine Hollande ». L'opéra met en scène la jeunesse « européenne », française, italienne, espagnole et polonaise , mais aussi les histoires du « Turc généreux », du chef Incas du Pérou, du prince de la fête persane qui établissent avec les conquérants européens, des rapports de paix au nom de l'amour. L'opéra se termine par la danse du Grand calumet de la paix qui marque la paix retrouvée entre les autochtones, les sauvages, et les armées colonisatrices. Deux autres étapes ont été aussi des jalons dans l'édification de la symbolique générale. D'abord l'hommage rendu à Jules Ferry. Devant sa statue érigée dans le jardin des Tuileries, François Hollande a rendu hommage au « père de l'école gratuite, obligatoire et laïque ». Il a rappelé que l'école était un « lieu d'émancipation et d'égalité ». Il n'a cependant pas éludé la « question coloniale », puisque Jules Ferry était un grand colonialiste, défenseur de la supériorité de la civilisation européenne. Hollande a condamné, dans son discours, la colonisation comme une « faute morale et politique ». Pour nous, en Tunisie, le nom de Jules Ferry rappelle inexorablement la colonisation. Son nom était inscrit sur des rues, des avenues et même sur une ville, Ferry-Ville (l'actuelle Menzel Bourguiba). Bourguiba avait rebaptisé ces lieux, repris une partie du legs de Ferry en instaurant l'école de la république sur le modèle français. Les temps ont, évidemment, changé. Le flux des hommes et des femmes se fait dans l'autre sens, du Sud vers le Nord. Et Hollande en tient compte, lui qui veut « faire de l'école un lieu de l'intégration de tous les enfants », sans distinction d'origine, de lieu ou de résidence. Une seconde étape a été la visite à l'Institut Curie où il a rendu hommage à Marie Curie, double prix Nobel de physique (1903) et de chimie (1911), la polonaise d'origine, symbole de la recherche scientifique et de l'excellence française, première femme à entrer au panthéon. Geste « pour la recherche, pour la femme et pour l'intégration », selon François Hollande. Enfin la troisième visite a été pour l'Hôtel de Ville de Paris où a été proclamée la III° République, et où le Général de Gaulle victorieux a prononcé son fameux discours, à la suite de la libération de Paris en 1944, sur « Paris martyrisé, Paris libéré ». Trois discours prononcés en une seule journée, celui de l'investiture, celui sur l'éducation et celui dans l'Hôtel de ville, un véritable hymne à la ville de Paris. Lors du premier discours, il a lancé les mots qui résonneront comme des symboles : « Je fixerai les priorités, mais je ne déciderai pas de tout, pour tout et partout.» Pour Hollande, «Le pouvoir au sommet de l'Etat sera exercé avec dignité mais simplicité, avec une grande ambition pour notre pays et une scrupuleuse sobriété dans les comportements (…) L'Etat sera impartial parce qu'il est la propriété de tous les Français et qu'il n'appartient donc pas à ceux qui en ont reçu pour un temps limité la charge». Prenat le contre-pied de son prédécesseur, il a déclaré sa volonté de lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations. Trois notions résument la volonté présidentielle : « le rassemblement, le redressement, le dépassement». En multipliant les interventions, il a voulu rallumer l'espoir et instaurer la confiance avec les corps intermédiaires, les élus et, au-delà du peuple de Paris, avec le peuple de France. Avant de s'envoler vers Berlin, il a nommé, sans grande surprise, son ami intime Jean-Marc Ayrault Premier ministre. Il a choisi un proche, « quelqu'un qui m'aime », comme il l'avait indiqué lors d'un débat de campagne à la télévision. Là aussi un changement symbolique est souligné. François Hollande se veut « le Président de tous les Français », mais il ne décidera pas de tout. Il a rappelé, à cet effet, la règle constitutionnelle : «Conformément à la Constitution, le gouvernement déterminera et conduira la politique de la nation, le Parlement sera respecté dans ses droits, la justice disposera de toutes les garanties de son indépendance». Voilà un chantier institutionnel qu'il ouvre. Les prochaines semaines montreront s'il va s'y tenir dans une situation de crise où le Chef de l'Etat, dans un régime présidentiel, est appelé à être au front, sur la première ligne.