Les deux artistes tunisiens, invétérés de la caricature, Taoufik Kouki et Hassen Mechichi, vous invitent à leur exposition commune qui se tient actuellement à la galerie d'Art de Ben Arous. Leurs récents travaux sont inspirés de la Révolution et d'autres ayant pour thème le tabagisme et ses méfaits. Si Hassen Mechichi propose des caricatures en peinture à huile où foisonnent divers portraits aux différentes couleurs, Taoufik Kouki s'intéresse aux caricatures en noir et blanc en introduisant des travaux basés sur la caricature en reflet et sur l'art du recyclage qui consiste à créer des œuvres d'art à partir de matières usées. Humour et satire caractérisent les œuvres de l'un et de l'autre.
Les tableaux de Taoufik Kouki traitent de plusieurs thèmes. Le métier du journaliste est abordé avec beaucoup d'inspiration dans cette caricature où le journaliste marche sur des clous, contre vents et marrées, pour accomplir sa tâche. La bureaucratie, vice éternel de notre administration, est représentée quant à elle, par un fonctionnaire qui donne l'impression d'un employé exemplaire, consciencieux et scrupuleux, de par les dossiers amassés sur son bureau, mais en réalité, il passe son temps à remplir les grilles de promo sport, comme le révèle le miroir derrière lui. Une autre œuvre met en scène deux antagonistes de la culture : la télévision et le livre. Les deux s'affrontent en duel sur le ring ; mais c'est la Télévision qui remporte la victoire et le livre, vaincu, n'a plus de place dans la société.
L'art du recyclage, technique adoptée par l'artiste, nous permet de regarder ces merveilleuses caricatures qui amusent certes, mais instruisent surtout. Regardons ces vieux souliers qui sont récupérés par l'artiste pour en faire un moyen qui a servi de chasser le président déchu en le sommant du fameux « Dégage ! ». Et cette autre œuvre créée à partir d'une bouteille en verre transformée par l'artiste en une vache à lait qui fait sortir de ses mamelles des pièces de monnaie servant à remplir les poches des courtisans de l'ancien régime. Plusieurs autres tableaux traitent du tabac et ses méfaits sur la santé, notamment celui-ci où il est question d'une cigarette qui reçoit deux coups mortels d'un pinceau et d'une plume, allusion faite aux écrivains et aux peintres qui doivent jouer un rôle plus déterminant dans la lutte contre ce fléau.
La soumission de la femme est également abordée par Taoufik Kouki qui nous présente ce tableau où l'on peut voir cet homme arrogant et impitoyable qui enchaine avec ses longues moustaches, telles des cordes, sa femme qui le supplie en pleurant. D'autres sujets non moins actuels sont aussi traités comme la corruption, la démocratie, le mariage..., le tout est exécuté avec adresse et beaucoup d'imagination.
Les œuvres de Hassen Mechichi nous invitent à découvrir plein de portrait de personnalités réelles : politiques, culturelles, sportives... c'est que l'artiste a fait un retour triomphal à l'art de la caricature qu'il avait abandonné depuis les années 90, lorsqu'il a peint, à l'occasion de la Coupe d'Afrique des Nations organisée alors en Tunisie, des personnalités sportives célèbres. « C'est la Révolution qui m'a poussé à reprendre cet art caricatural dont la marge de liberté est devenue plus large », nous a confié l'artiste. C'est à partir du portait que l'artiste dénonce certains aspects de la vie sociale, économique ou politique dans le pays, dans le but de sensibiliser les gens à certains phénomènes qu'il faut combattre. C'est en quelque sorte un moyen de moralisation qui sert à attirer l'attention sur les anomalies de la société en vue de les corriger. Toutes les caricatures, réalisées sur un ton humoristique et sarcastique, visent en fait à mettre en valeur les caractères et l'état psychologique du personnage en question.
C'est depuis la Révolution que l'artiste a repris sa création caricaturale où il a investi la peinture à huile à toutes ses œuvres, alliant dessins et couleurs, en donnant ainsi à son art, toute sa splendeur et sa profondeur. Avec les couleurs, les défauts du personnage peint s'accentuent davantage et se manifestent plus expressivement. Chez Hassen Mechichi, derrière chaque portrait, se cache une histoire, une anecdote, un événement ou un fait divers et chacune des œuvres véhicule un message qui, d'ailleurs, n'est pas difficile à capter par le visiteur. Parmi les portraits exposés, on peut citer celui du président déchu, Bourguiba, Béji Caïd Essebsi, Rached Ghannouchi, Moncef Marzouki, et d'autres tableaux traitant des martyrs de la Révolution, du chômage, de la cherté de la vie..., tous ces problèmes qui attendent d'être résolus. Cette exposition, qui se poursuit jusqu'à la fin de ce mois est à voir absolument !