Europe, Etats-Unis, Chine : la conjoncture économique a rarement réuni autant de paramètres inquiétants selon Nouriel Roubini, l'économiste américain qui avait prédit la crise des subprimes de 2008. Le ralentissement économique aux Etats-Unis, dans l'eurozone et en Chine constitue déjà un frein considérable pour la croissance d'autres marchés émergents, en raison de leurs échanges et de leurs liens financiers avec les Etats-Unis et l'Union européenne. Pour ne rien arranger, Nouriel Roubini note que les tensions nourries de longue date au Moyen-Orient entre Israël et les Etats-Unis d'un côté, et l'Iran de l'autre au sujet de la prolifération nucléaire pourraient atteindre un point culminant en 2013. Les négociations actuelles risquent d'échouer, et même des sanctions accrues risquent de ne pas suffire à arrêter l'Iran dans sa tentative de fabriquer des armes nucléaires. Une confrontation militaire en 2013 mènerait à un pic historique des prix du pétrole et une récession globale. Ces risques exacerbent déjà le ralentissement économique, note l'économiste : les marchés boursiers sont déjà en perdition un peu partout, entraînant des effets néfastes sur la consommation et les dépenses de capitaux. Les coûts d'emprunt montent pour les plus endettés, le rationnement du crédit mine les petites et moyennes entreprises, et les prix des matières premières en baisse réduisent les revenus des pays exportateurs. L'aversion pour les risques mène les agents économiques à adopter la stratégie du « attendons pour voir », qui rend le ralentissement économique partiellement auto-réalisateur. Mais l'inquiétude majeure vient peut-être du manque de perspectives optimistes pour l'avenir. Le spécialiste compare la situation à celle de 2008-2009. A l'époque, les décideurs avaient une large marge de manœuvre pour agir. Aujourd'hui, les autorités monétaires et fiscales commencent à manquer de munitions législatives (ou, plus cyniquement, de « lapins législatifs à sortir de leurs chapeaux »). La politique monétaire est contrainte par la proximité des taux d'intérêt zéro et plusieurs phases répétées d'assouplissement quantitatif. Certes, les économies et les marchés ne rencontrent plus de problèmes de liquidités, mais plutôt des crises de crédit et d'insolvabilité. Dans le même temps, les déficits budgétaires insoutenables et la dette publique dans les économies les plus développées ont sévèrement limité le champ possible de stimuli fiscaux à venir. La tactique consistant à utiliser les taux de change pour booster les exports est un jeu à somme nulle, dans le contexte actuel, où le désendettement public et privé diminue la demande domestique dans les pays en déficit, et où des problèmes structurels ont les mêmes effets dans les pays en surplus. Après tout, rappelle Roubini, une monnaie plus faible et une meilleure balance commerciale dans un certain pays implique nécessairement une monnaie plus forte et une balance commerciale plus faible dans un autre pays. Pour couronner le tout, la capacité à protéger les banques est contrainte par les politiques et l'incapacité pour des Etats presque insolvables à absorber des pertes supplémentaires de leurs systèmes bancaires. Le risque souverain est donc en train de devenir un risque bancaire. Car les Etats déversent une fraction toujours plus importante de leur dette publique sur le bilan des banques, en particulier dans la zone euro.