La Tunisie instigatrice du printemps arabe ambitionne de devenir un modèle de transition démocratique avant gardiste dans le monde arabe en prenant les mesures nécessaires pour garantir le suivi de ceux qui avaient attenté aux Droits de l'Homme et assurer les réparations nécessaires aux victimes. La Tunisie a adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) en juillet 2011, sous le gouvernement dirigé par Béji Caïd Essebsi. Comment mettre en pratique cette adhésion ?
Le séminaire organisé hier et qui se prolongera jusqu'à vendredi prochain par le Centre Kawakibi de Transition Démocratique et l'Académie de la Justice internationale, les associations No Peace Without Justice et Years fighting Impunity vise à discuter les différents défis relatifs à l'application du Statut de Rome.
A l'ouverture des travaux, devant un parterre de juristes, universitaires, avocats, représentants de la société civile, Noureddine Bhiri, ministre de la Justice n'a pas manqué de mettre en relief l'acuité des services rendus par son département en temps normal. Que dire alors dans une période transitoire ! «La Tunisie dès l'instant où sa Révolution a réussi, a vite fait d'approuver le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2011. Son objectif se fixait l'idéal combien crucial et important celui de mettre un terme final aux fauteurs ayant commis des crimes cherchant à échapper des griffes de la Justice. Le respect des Droits de l'Homme est une condition nécessaire pour la réussite du processus démocratique », dit le ministre en ajoutant qu'il tient à ce que l'expérience tunisienne éclaire d'autres pays. La rencontre est une occasion de mieux faire connaître la Cour pénale internationale (CPI).
Celle-ci confirme le caractère primordial de la justice tunisienne. La CPI est un complément à la justice nationale si celle ci n'arrive pas à jouer son rôle. « La Tunisie a tenu à poursuivre les criminels et à récupérer les avoirs déposés à l'étranger. Notre pays n'hésitera pas à consolider les prérogatives de sa justice pour empêcher les criminels d'échapper aux sanctions, conformément aux normes internationales tout en consacrant les principes et les attentes de la Révolution ». Une conférence a été organisée les 3 et 4 juillet dernier pour faire plus ample connaissance du rôle dévolu à la CPI à traquer les criminels où qu'ils se trouvent et rendre justice aux victimes.
Le ministre rappelle que la Tunisie est en train d'élaborer une Constitution consensuelle, pour un Etat civil, avec des garanties d'alternance pacifique au pouvoir. La Révolution a propulsé la Tunisie au devant du printemps arabe. Le ministre recommande d'approfondir le dialogue pour déceler les éventuels blocages à l'application des termes du Statut de Rome.
Fadi Al Abdallah, Porte-parole de la Cour pénale internationale (CPI), précise qu'il faudra baliser les possibilités de coopération entre la CPI et les compétences tunisiennes. Il rappelle que « la compétence de la CPI est complémentaire à celle de la justice nationale ». Ce qui suppose que la justice nationale permet cette complémentarité. Quelles sont les normes appliquées à l'échelle internationale et locales permettant à la Tunisie d'être à l'avant-garde des pays arabes ?
Mohsen Marzouk, fondateur du Centre Kawakebi, rappellera que le centre avait organisé des espaces de dialogue sur les Droits de l'Homme. Il a été le premier en Tunisie à poser la problématique de la Justice transitionnelle en Février 2011. Il a organisé des débats autour de plusieurs questions. Il a pour mission d'aider le processus de transition démocratique sans se préoccuper des considérations politiques de cette transition. Tout en considérant que l'adhésion de la Tunisie au Statut de Rome est un pas à la fois salutaire et important.
Trois éléments importants sont évoqués par le conférencier. Primo : le rôle de la société civile. Des réseaux de 2500 organisations non gouvernementales soutiennent à travers le monde, la Cour pénale internationale. 14 alliances civiles en Asie et 14 autres en Europe sont constituées. « Il est à espérer que cette rencontre en Tunisie permettra de constituer une alliance d'associations de la société civile qui aura à soutenir la coopération de la Tunisie avec la CPI », dit-il. Secundo, il faudra saisir cette opportunité pour mettre en valeur les mécanismes de fonctionnement de la CPI dans les pays arabes. Toutefois, Mohsen Marzouk ne s'empêche pas de rappeler que la CPI est critiquée pour son impuissance à s'imposer et à faire entendre raison à Israël pour les crimes qu'il ne cesse de commettre en toute impunité. « En dépit de toutes les réserves, il est intéressant d'engager le dialogue pour que la justice ne soit pas appliquée seulement contre les perdants », dit-il. Tercio, il est intéressant de voir les possibilités ouvertes après l'adhésion de la Tunisie au Statut de Rome. Après la Révolution tunisienne, un slogan fondamental a émergé : il n'est pas question d'échapper aux sanctions. Il est nécessaire d'établir un lien entre la justice transitionnelle et la Cour pénale internationale (CPI). Il est temps de passer de l'absolutisme de l'Etat à l'Etat de Droit et des libertés.