Hier et avant-hier, la plupart des cours n'ont pas eu lieu à l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (ex-Lycée Ibn Charaf). L'UGET avait décrété une grève de deux jours (lundi et mardi 5 et 6 novembre 2012) pour protester contre les critères retenus pour l'inscription en mastère d'anglais. Les salles de l'Institut ont été vidées de toutes leurs chaises, lesquelles étaient jusqu'à hier après-midi empilées dans la cour de l'établissement. D'ailleurs, au sein des étudiants, on a baptisé le mouvement « grève des chaises ». Les professeurs n'eurent droit pendant les deux jours de grève qu'aux sièges de leurs bureaux et à ceux de la salle des professeurs.
En principe, les cours reprendront aujourd'hui, mercredi, mais les étudiants mécontents (moins de quinze en fait) envisagent de poursuivre à l'intérieur même de l'Institut, leur sit-in commencé depuis mercredi 31 octobre. Ils parlent même d'une grève de la faim qu'ils n'interrompront qu'une fois toutes leurs revendications seront satisfaites. Que demandent-ils, dans le détail ? Pour en avoir une idée suffisamment claire, nous avons contacté le jeune Ahmed Sassi, membre du bureau de l'UGET à Ibn Charaf et étudiant en première année de mastère de philosophie.
« En réalité notre mouvement a été décidé pour contester les critères d'inscription en mastère d'anglais ; nous les jugeons trop sévères et sommes persuadés qu'ils ne visent pas, comme on le prétend, à garantir une sélection qualitative des candidats. Lorsque notre administration et nos professeurs invoquent le budget limité alloué à l'Institut, le manque de cadres enseignants, de salles, d'équipements, voire même de personnel administratif pour favoriser un encadrement de qualité des étudiants et une gestion efficace des services chargés des études de 3ème cycle, nous les comprenons parfaitement. Mais dans ce cas, qu'ils soutiennent nos revendications adressées au ministère de tutelle et au gouvernement. Pourquoi, au niveau des budgets alloués aux différents ministères, le département de l'Enseignement Supérieur ne bénéficie pas d'enveloppes conséquentes ? Notre grève vise aussi à sensibiliser aux failles de notre système éducatif et du régime LMD, qui ont conduit à ce taux élevé de diplômés chômeurs, empêchés qui plus est d'aller le plus loin possible dans leurs études supérieures. Hier, le Conseil scientifique de l'établissement s'est réuni. L'UGET y était représentée.
Mais l'accord sur lequel la réunion a débouché ne nous satisfait pas vraiment. En attendant que l'inscription en mastère devienne automatique pour tout titulaire de licence, nous espérons que la commission de mastère du département d'anglais assouplisse ses critères d'inscription de manière à retenir le plus grand nombre d'étudiants possible. »
Pour la directrice du département d'anglais, membre de la commission de mastère, il n'est guère question de faire des concessions sur les critères contestés.
« Nous tenons à ce que l'étudiant n'ait pas redoublé au cours de ses années de maîtrise ou de licence d'anglais ; d'autre part, les conditions objectives dans lesquelles nous travaillons nous imposent de ne pas accepter plus de 40 inscriptions dans chacune des filières proposées (Relations internationales et Etudes interculturelles). Même les enseignants sollicités pour dispenser les cours sont intransigeants là-dessus. Au sujet des moyennes générales exigées pour l'inscription, nous sommes descendus jusqu'à 10,32 dans la filière Relations internationales et à 10,02 en Etudes interculturelles. Vous voyez donc que la commission s'est montrée suffisamment indulgente sur le niveau des étudiants à inscrire. La seule solution qui se présente pour l'heure est de combler les défaillances constatées dans la filière Etudes culturelles. En effet, sur les 40 étudiants inscrits initialement.
11 d'entre eux n'ont pas donné signe de vie. Ce sont ces 11 absents que nous allons remplacer par leurs camarades qui répondent aux critères exigés. En fait, les vrais problèmes sont ailleurs à mon avis. Nous manquons d'enseignants, de salles de classe, d'équipements, de personnel et pas seulement en mastère. Ces problèmes se posent avec autant sinon plus d'acuité avant le troisième cycle. »
M. Taoufiq Aloui, le directeur de l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, nous a quant à lui entretenu tout d'abord du Conseil scientifique réuni lundi après midi et consacré au mouvement estudiantin qui a paralysé son établissement :
« Notre réunion a duré plus de 5 heures, mais elle s'est déroulée dans une ambiance relativement sereine. Sans atteindre à la souveraineté des décisions de la commission de mastère du département d'anglais, nous avons tenté de trouver une solution consensuelle qui traduise, d'une part, le degré d'écoute que nous accordons aux revendications de nos étudiants et d'autre part, notre souci d'assurer une formation de qualité aux étudiants de 3ème cycle.
J'ai personnellement contacté les étudiants mécontents dès leur premier jour de manifestation. Les membres du Conseil scientifique et ceux de la Commission de mastère d'anglais sont très compréhensifs à l'égard de leurs revendications. Pour l'heure, nous proposons de résoudre le problème en remplaçant les défaillants de la filière Etudes culturelles, 11 en tout. Cette issue semble ne pas répondre aux attentes des représentants des étudiants. Mais nous restons optimistes.
En maintenant la logique du dialogue, nous parviendrons à une solution satisfaisante pour tous. A long terme, nous nous attelons à créer un mastère de langues appliquées ; ce qui atténuerait considérablement la forte demande actuelle sur le mastère d'anglais et de traduction. » Reportage de Badreddine BEN HENDA Les à-côtés du mouvement de grève
*Partout à Ibn Charaf, les affichettes couvraient les murs, les portes et les tableaux de l'établissement. Certains étudiants portaient leurs slogans sur leurs vêtements. D'autres arboraient sur leurs bouches des appels à la grève de la faim et du silence !
*Quelques salles du sous-sol gardèrent leurs chaises et les enseignants purent y donner leurs cours.
*Dans le département d'anglais, les demandes d'inscription au mastère avoisinent les 300. Pour le moment, on ne compte retenir que 80 dossiers répartis équitablement entre les filières « relations internationales » et « études interculturelles »
*Des mouvements semblables ont été déjà enregistrés à La Manouba, à La Charguia, à la Faculté des Sciences Humaines du 9 Avril, à la Faculté des Lettres de Sousse, à Jendouba et à Kairouan.