Ennahdha accepte un changement à la tête du ministère de la Justice à condition que le successeur de l'actuel ministre soit issu de ses rangs Le congrès pour la République (CPR) et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL ou/ Ettakatol) et Ettakatol, les deux alliés du mouvement Ennahdha au sein du gouvernement, ont menacé , encore une fois le week-end dernier, de claquer la porte de la coalition au pouvoir si le parti islamiste refuse de lâcher les portefeuilles régaliens de la Justice et des Affaires étrangères. Réuni de façon extraordinaire samedi à Tunis, le conseil national du CPR a lancé un ultimatum selon lequel les ministres du parti fondé par Moncef Marzouki se retireraient du gouvernement, dans une semaine, au cas où leurs exigences ne seraient pas satisfaites. «Le CPR a décidé de retirer ses ministres du gouvernement si Ennahdha n'effectue pas d'ici une semaine un changement à la tête des ministères de la Justice et des Affaires étrangères», précise Samir Ben Amor, membre du conseil national de ce parti de centre-gauche. «Si cette revendication n'est pas réalisée, la décision sera exécutée sans passer de nouveau par le Conseil national du parti», a prévenu Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR. De son côté, le Bureau politique d'Ettakatol dont la réunion s'est achevée tard dans la soirée de samedi à dimanche s'est attaché bec et ongles à la neutralité du ministère de la Justice afin d'envoyer, selon lui, un message fort aux magistrats , aux avocats et à l'opinion publique en général. Le parti de Mustapha Ben Jaâfer a également fait savoir à l'issue de cette réunion qu'il négociera désormais avec le Chef du gouvernement Hamadi Jebali, estimant dans ce cadre que le mouvement Ennahdha n'a pas tenu ses promesses relatives à la formation d'un gouvernement d'intérêt national. Il a également indiqué que ses ministres sont prêts à quitter le gouvernement si les instances du parti le décident. Solution consensuelle La fin de l'alliance tripartite au pouvoir est-elle ainsi devenue proche? Rien n'est moins sûr, selon les dirigeants d'Ennahdha, d'Ettakatol et du CPR. Le président du bloc du mouvement Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante (ANC), Sahbi Atig, a affirmé hier que son parti «tient à préserver la Troïka qui constitue une alliance unique en son genre dans le monde arabe» , indiquant qu'elle compte accélérer les négociations afin de trouver une solution consensuelle qui permet de pérenniser ce mode de gouvernance fondé sur le partenariat. «Les divergences autour du ministère de la Justice seront bientôt aplanies. L'essentiel n'est pas de changer les titulaires de certains portefeuilles ministériels, mais d'adopter un nouveau programme et de nouvelles politiques», a-t-il déclaré. Concernant la neutralité des ministères des Affaires étrangères et de la Justice réclamée par l'opposition mais aussi par les partenaires du mouvement Ennahdha, M. Atig précise que les ministres qui dirigent ces deux départements n'ont pas échoué dans leurs missions. Il a aussi estimé que la neutralité des ministères de souveraineté est une supercherie. « Réclamer la neutralité de ces ministères est une invention tunisienne. Dans toutes les démocraties, le parti vainqueur des élections dirige les ministères de souveraineté», a-t-il indiqué. Une source proche du mouvement Ennahdha qui a préféré garder l'anonymat révèle dans ce cadre que le parti islamiste accepte un changement à la tête du ministère de la Justice à condition que le successeur de l'actuel ministre, Me Noureddine B'hiri, soit issu de ses rangs. Reprise des négociations La nomination de Me Samir Dilou à la tête du ministère des Affaires étrangères en remplacement de Rafik Abdessalem fait aussi, selon la même source, l'unanimité au sein de la Troïka. Du côté du CPR, on assure que les négociations autour du remaniement ministériel viennent de reprendre en vue d'éviter une grave crise qui risque d'aboutir à un vide institutionnel. « Les négociations continuent. Nous sommes pleinement conscients du fait que le peuple a choisi de voter majoritairement pour Ennahdha , mais nous tenons à ce qu'il y ait des changements qui servent l'intérêt du pays», affirme Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR, signalant au passage que son parti ne demande aucun nouveau portefeuille ministériel. M. Abbou note aussi que l'essentiel est d'adopter le nouveau programme d'action présenté par le Chef du gouvernement. Pour sa part, Ettakatol soutient le document de travail présenté par le chef du gouvernement. Il s'attache , toutefois, à l'attribution du ministère de la Justice à une personnalité indépendante afin que cela provoque un choc positif. «Nous ne cherchons pas à arriver à l'effritement de la Troïka. Notre démarche s'explique uniquement par l'intérêt du pays et non pas par des calculs électoralistes», souligne Mohamed Bennour , porte-parole d'Ettakatol, qui attend toujours un bon signal de la part d'Ennahdha...