Cela fait quelques années quand même que bon nombre de nos jeunes ont adopté la mode des pantalons « taille trop basse ». Mais bon ! On peut s'estimer encore heureux qu'ils n'aient pas suivi l'exemple de certains adultes de chez nous jugés comme « mûrs, responsables et bien éduqués » qui néanmoins ont commencé par ne plus porter de ceinture pour ensuite baisser leurs pantalons jusqu'aux chevilles. Ne serait-ce pas catastrophique si les petits les prenaient pour modèles ! Les « grands », les « vieux », les « sages » et les « sensés » font hélas pire que les ados et les pubères. Ils sont nombreux parmi nos enfants à voir leurs parents mentir, flagorner, s'humilier, se vendre, se prostituer pour satisfaire une vanité, pour se faire accorder une promotion, pour se faire pardonner un écart, pour obtenir un poste vacant, pour conserver des privilèges, pour bénéficier d'un passe-droit, ou tout simplement pour plaire à leur maître ou maîtresse. Une majorité de nos aînés est infidèle, paresseuse, vile, hypocrite, profiteuse, poltronne, malfaisante, médisante, paillarde, grossière, indélicate, violente, vaniteuse, vicieuse, perverse, et quoi encore ! Tous les travers contre lesquels nos adultes préviennent les jeunes, ils sont les premiers à y succomber. L'alcool, le tabac, la débauche, la délinquance et la criminalité, ça les connaît ! Même quand ils s'en repentent, ils restent à la merci des tentations de rechute et de récidive. Et ce n'est pas leur ferveur religieuse toujours tardive qui les dissuade de commettre les petits et les grands péchés. Une fatwa douteuse suffirait dans pareils cas de déviance à les rassurer sur le pardon d'Allah le Clément et le Miséricordieux ! Haro sur le baudet Voilà un modeste échantillon des images désolantes que nos majors et nos seniors renvoient quotidiennement d'eux-mêmes, au vu et au su de leurs enfants et petits-enfants ! Après ça, ils osent parler d'éducation ! Ils osent faire la morale aux jeunes générations ! Ehontés qu'ils sont, ils s'en prennent alors à la télévision, à l'Occident, aux Francophones, à Bourguiba et aux « Azlem » de Ben Ali ! L'histoire des lycéens danseurs du Harlem Shake a offert une belle opportunité pour accabler « la nouvelle jeunesse dévergondée», on trouva l'occasion propice pour tous les discours moralisateurs et pour tous les prêches inquisiteurs. « Ce n'est pas dans les mœurs de l'Islam », « c'est étranger à notre culture », « c'est une lubie de déracinés », « Quelle offense à la pudeur ! » ! Que de tartufferies l'incident du Lycée Ibn Muslim a-t-il démasquées ! Haro sur le baudet, comme dirait La Fontaine ! M. Abdellatif Abid, l'actuel Ministre de l'Education connaît sans doute la fable des « Animaux malades de la peste » et s'il l'a oubliée, qu'il la relise ! Ce ne sera guère du temps perdu comme ce fut le cas pour les quatre ou cinq journées de cette fin février, passées à polémiquer, à condamner, à menacer, à accuser sans preuve puis à se rétracter et à chercher des faux-fuyants ! Quel gâchis ! Charité bien ordonnée... Le Syndicat Général de l'Enseignement Secondaire s'est lui aussi remis à parler de la bonne éducation ! Comme si parmi ses adhérents, il n'y en avait pas à qui celle-ci manquait affreusement ! D'ailleurs, de l'école de base jusqu'à l'Université, on se soucie de moins en moins d'éducation et de valeurs morales et sociales. L'instituteur et le professeur (syndiqués ou pas) ne sont plus des modèles de rectitude, de probité ni d'intégrité ! Seule une minorité résiste et milite pour la sauvegarde d'un minimum de « propreté » et de « pureté » dans les foyers du Savoir ! Pour en revenir au Syndicat, il y a fort à parier que l'incident du « Harlem Shake » n'y fut perçu que comme une nouvelle opportunité pour régler de « vieux » comptes avec le Ministre de l'Education. L'occasion était pourtant bonne pour imposer à ce dernier un débat national sur la place de l'éducation dans les institutions et les établissements qui en sont (en principe) chargés, pour se demander si leur Ministère s'occupe réellement d'Education comme son nom l'indique, pour s'interroger sur les meilleures manières de récupérer la jeunesse et de lui épargner le danger de la manipulation idéologique, celui de l'oisiveté et celui de la délinquance. Les professeurs et les maîtres d'écoles donnent l'impression d'être impuissants face à toutes les dérives qui menacent le présent et l'avenir de leur public : percée obscurantiste, violence, drogue, indiscipline, absentéisme, abandon scolaire, mauvais résultats, etc. Quand ils n'en accusent pas le système éducatif et le régime politique, ils mettent tout sur le dos des parents lesquels comptent à leur tour sur le Ministère et les enseignants pour pallier leur attitude démissionnaire. Les sacrifiés du système L'incident du Harlem Shake devrait inciter tout le monde à réfléchir sur la crise profonde qui ronge depuis des années l'enseignement en Tunisie. L'école tunisienne est malade de toutes ces réformes successives qui lui furent imposées et qui n'aboutirent qu'à vider de son sens l'opération éducative et qu'à défigurer les idéaux pédagogiques. L'école tunisienne est morne et triste ; elle n'a plus rien d'un espace qui aime ses hôtes lesquels le lui rendent bien d'ailleurs puisqu'ils y vont presque à contre cœur et à reculons ! L'école tunisienne n'ouvre plus que très peu d'horizons, on y truque les résultats et l'on y brade les diplômes pour se donner bonne conscience et pour recevoir les satisfecit de ses supérieurs. Ça ne forme ni têtes pleines ni têtes bien faites. Ça produit d'étranges monstres dont l'Etat et la société ne savent désormais que faire. Les élèves et les étudiants tunisiens sont conscients d'être les sacrifiés du système. L'école, ils n'y croient presque plus ! Apprendre chaque jour que les maîtrisards chômeurs se comptent par dizaines de milliers et savoir que chaque année l'Université en rejette d'autres dizaines de milliers sur le marché de l'Emploi, cela n'a rien de réjouissant ! Cependant, au lieu de s'immoler par le feu comme Mohamed Bouazizi, au lieu de « brûler » pour Lampedusa, au lieu de se faire enrôler dans les rangs salafistes jihadistes, au lieu de braquer les automobilistes et les piétons dans un coin de rue non sécurisée, ils font contre mauvaise fortune bon cœur et chantent et dansent et s'exhibent et se défoulent et se dé stressent et se redressent le moral qui, il faut l'avouer, est au fond de leurs chaussettes, c'est-à-dire au plus bas ! Alors, Harlem Shake, Lambada, Hip Hop, Reggae, Rock'n roll, Mezoued, Raï, Rap, danse du ventre, tout est bon pour leur faire oublier qu' « ils ne sont pas la solution mais le problème », contrairement à ce que leur répètent les roublards politiques. Dansez les jeunes, narguez tous ceux qui vous privent de loisir et de plaisir, de musique et de cinéma, de culture et de sourire, aimez la vie et ne vous laissez pas cloîtrer les esprits et les corps ! Vous n'offensez personne, et nous vous aimons tels que vous êtes, rebelles, indociles, pleins d'énergie, fougueux et surtout provocateurs ! Bien fait pour les ringards, bien fait pour les tartuffes !