Nous savons que Moncef Charfeddine est un grand féru de théâtre notamment tunisien. D'ailleurs, les bibliothèques et autres librairies comportent un bon nombre de ses écrits relatifs au quatrième art national. Nous en citons particulièrement "Deux siècles de théâtre en Tunisie" paru en 2004.Egalement , Charfeddine s'était toujours intéressé à tout ce qui touche à l'Histoire de la Tunisie. C'est alors que, par le passé, il avait régulièrement écrit au journal "Le Temps" des articles dans ce sens. Il en fut de même sur la chaine "Hannibal" où il avait produit, hebdomadairement, des émissions qui dévoilaient certains aspects du passé de notre pays. Pour la chaine radiophonique RTCI, il avait présenté, il y a plusieurs années de cela, l'émission intitulée "Il était une fois la chanson en Tunisie». Nous lui devons aussi "Alexandre Dumas à Tunis», «Guy De Maupassant de Tunis à Kairouan" et "Chateaubriand devant les ruines de Carthage". Enfin, ayant toujours été amateur de football (surtout de l'Etoile du Sahel et du Stade Soussien), il avait écrit deux livres, le premier à l'occasion du cinquantenaire de l'Etoile en 1975 et le second sur l'histoire du football en Tunisie (Il était une fois le football en Tunisie en 1997). La toute nouvelle œuvre de Moncef Charfeddine ne concerne ni le théâtre, ni le football ni l'Histoire de notre pays .Il s'agit plutôt d'un beau livre, très enrichissant, sur la vie du plus grand musicien arabe de tous les temps, Mohamed Abdelwahab qui nous quitta en mai 1991. Et ce n'est nullement un hasard que l'auteur le choisisse. En effet, il est tout d'abord un grand admirateur du "Chanteur des générations" (Moutrib El Ajial). Aussi, Si Moncef nous déclara que cela fait presque 60 ans qu'il souhaitait écrire quelque chose sur son idole. Les livres et autres revues et journaux qui avaient été consacrés, surtout en Egypte, à Abdelwahab sont extrêmement nombreux. Mais nous tenons à signaler que le livre de Charfeddine, intitulé "Mohamed Abdelwahab, la fierté de la musique arabe" (ce titre est emprunté à Kamel El Khoulaii qui qualifia Abdelwahab de la sorte) , est le second livre écrit par un tunisien sur l'interprète de "Cléopâtre", le premier ayant été rédigé, en langue française, par un tunisien résidant en Suisse (Noureddine Amdouni), intitulé "Abdelwahab, le géant de la musique arabe"(Editions du Cygne -Genève 1989). Avant d'aborder ,avec minutie , les différentes péripéties de la vie du grand musicien, l'auteur du livre nous évoqua avec beaucoup de nostalgie, dans ce livre de cent douze pages , la lettre-réponse qu'il avait reçue de Abdelwahab le 8 mars 1948 l'informant d'avoir accepté la présidence honorifique d'une association musicale composée de jeunes étudiants scouts de Sousse (nous rappelons que l'auteur est natif de la Perle du Sahel où il décrocha son bac avant de rejoindre la Sorbonne). Charfeddine enchaina avec un rappel de l'évolution du "takht" égyptien avant Abdelwahab. Successivement, le lecteur aura l'occasion de dévoiler les différents volets de la vie du musicien. Si sa date de naissance serait située entre 1900 et 1901 (peut-être même 1897), il entama son enseignement musical en 1924 et sa carrière professionnelle artistique en 1926. Il se maria trois fois (en 1931, en 1944 et en 1958). La carrière cinématographique d'Abdelwahab est largement retracée et magnifiquement illustrée dans ce livre de Si Moncef. Elle avait comporté sept films, tous réalisés par Mohamed Karim. Le premier, intitulé "El warda el baidha" (La rose blanche) fut produit en 1933, le second rôle ayant été confié à Samira Khaloussi .C'est l'œuvre dramatique d'Alphonse Carr "Sous les tilleuls", traduite par Mustapha Lotfi El Manfalouti, qui constitua la base du second film de Abdelwahab , produit en 1935, intitulé "Doumou el hob"(Les larmes de l'amour ) qui vit l'éclosion de la grande chanteuse Najat Ali. Puis vint le tour de l'inimitable Leila Mourad pour jouer aux côtés de Abdelwahab dans "Yahia el hob" (Que vive l'amour) réalisé en 1938.Son quatrième long métrage, qui porta le titre de "Youm said"(Jour heureux) coïncida avec les débuts de la petite, qui deviendra grande, Faten Hamama en 1940. C'est Raja Abdou qui campa le premier rôle féminin face au Maitre, en 1942, dans "Mamnou el hob"(Amour interdit). L'avant-dernier film d'Abdelwahab (1944) fut une adaptation du roman de Taoufik El Hakim "Rassassa fil kalb"(Une balle dans le coeur) où nous pouvons apprécier le talent de la belle actrice Rakia Ibrahim. La partenaire de Mohamed Abdelwahab dans son dernier long métrage "Lastou malaken"(Je ne suis pas un ange), fait en 1946, est la chanteuse d'origine libanaise Nour El Houda. . En entamant le chapitre des poètes et paroliers qui avaient écrit pour Abdelwahab, l'auteur évoqua notamment les différents visages de ses relations avec "Amir Echouaraa"(le prince des poètes) Ahmed Chawki qui, en plus de son apport pour Abdelwahab l'Homme, avaient gratifié les mélomanes des inoubliables "Kais et Leila", "Jarat El Ouadi","El Hawa wa Echabab"(l'amour et la jeunesse) et nous en passons. D'autres grands de la poésie arabe , tels que Ali Mahmoud Taha ("Cléopâtre" et "El Goundoul") , Ahmed Fathi ("El Karnak")et Mahmoud Hassen Ismail ("Ennahr El Khaled" et "Douaa Echarq" ), Bouchara El Khouri ("Essiba wal Jamal") ne furent guère oubliés. Il en a été de même de Hassine Essaied , Ahmed Rami , Kamel et Mâamoun Chenaoui et Morsi Gamil Aziz qui avaient beaucoup écrit pour le Maitre. Charfeddine rappelle aux très nombreux fans du "Chanteur des rois et des princes", comme certains se plaisent à le surnommer, la pléiade de chanteurs auxquels Abdelwahab avait composé de grands succès. C'est ainsi que nous retrouvons , avec un plaisir mêlé à de la nostalgie, Abdelhalim, Najat, Faiza, Fairouz, Sabah, Abdelghani Essaied, Saad Abdelwahab, Jalel Harb, Raja Abdou, Leila Mourad, Najat Ali, Raouf Douhni,Warda et bien évidemment l'inégalable "Oum Kalthoum, l'Astre de l'Orient ". Si Moncef avait toujours souhaité rencontrer son idole. En 1969, il était à deux doigts de voir son rêve exaucé .Mais il a dû attendre plusieurs années pour, enfin, se contenter d'un simple dialogue radiophonique. Dans le livre, cet épisode est raconté d'une belle manière propre à notre auteur. Pour conclure, il est important de signaler que si ce livre tunisien sur Mohamed Abdelwahab a pu voir le jour c'est grâce à l'apport de la Prosid (société des produits sidérurgiques) qui, convaincue de la qualité du travail de Charfeddine , tenait à contribuer à l'ancrage de l'esprit du mécénat culturel auprès des responsables de nos entreprises ,une tradition qui tarde à s'implanter sous nos cieux. Hassen