La situation a atteint, dimanche dernier, le point de non-retour au sein du parti Nidaa Tounès, avec la bagarre par milices interposées, des deux clans de ce parti dans lequel les Tunisiens ont placé leurs espoirs pour éviter l'islamisation à outrance, instaurer la démocratie et faire sortir le pays de l'obscurantisme et de la crise économique lancinante. Les circonstances de la réunion et les événements qui l'ont marquée ont été la goutte qui a fait déborder le vase, de même qu'ils ont démontré que ce qui se passe est une lutte anticipée pour le pouvoir et la direction de Nidaa Tounès. Réunion annulée à la suite de troubles Dans une première étape, cette réunion qui devait avoir lieu dans un hôtel de Hammamet a été annulée, suite à l'arrivée d'un groupe de saboteurs armés et la décision de l'annulation a été prise par les membres du bureau exécutif, présents à Hammamet. Des individus munis d'armes blanches ont investi, dimanche matin, les lieux de la réunion et les agents de l'ordre ont eu du mal à les raisonner. D'autant qu'ils ont brisé la porte vitrée de l'entrée de la salle de réunion. L'annulation, décidée pour éviter le pire, répond malheureusement aux désiderata de la partie qui a envoyé ces voyous, dans la pure tradition du RCD, l'ancien parti au pouvoir sous Ben Ali. Certains accusent ouvertement Hafedh Caïd Essebsi, vice-président de Nidaa Tounès, et Ridha Belhaj, chef de cabinet du président de la république Béji Caïd Essebsi, d'être derrière cette nouvelle manœuvre, car les saboteurs sont des jeunes issus de leur clan. Ces actes sont graves pour un parti sensé représenter l'Etat, surtout que les méthodes employées pour empêcher la réunion sont, d'habitude, celles utilisées par des voyous et des hors-la-loi.Pire encore, elles risquent de rester impunies, alors que le pays aspire au rétablissement de l'ordre et au règne de la loi. Ce grave dérapage prouve qu'Essebsi fils ne lésine pas sur les moyens et les méthodes pour se faire entendre, avec des pratiques qui en disent long sur ses visées, en utilisant un groupe de pseudo-militants, armés de bâtons et d'armes blanches pour empêcher, par la force des muscles, la tenue d'une réunion du bureau exécutif, alors que la crise sévissant à l'intérieur du parti au pouvoir a atteint un tournant qui rend presque impossible toute solution à l'avenir. Toutefois, la réunion extraordinaire du bureau exécutif de Nidaa Tounes a finalement eu lieu dans un lieu tenu secret. «Malgré l'attaque sauvage de la bande de Hafedh Caïd Essebsi et du palais, la réunion du bureau exécutif est en train de se dérouler. N'ayez pas peur pour Nidaa des méfaits de ces criminels», a posté Abdessattar Massaoudi sur sa page Facebook. La réunion aurait rassemblé les membres du bureau exécutif, et à leur tête le secrétaire général Mohsen Marzouk, ainsi que les membres du bloc parlementaire du parti et si elle s'était déroulée dans un lieu gardé secret, c'est pour éviter qu'elle soit de nouveau perturbée par les voyous habituels. Mohsen Marzouk contre-attaque Réagissant à ces événements, Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nidaa Tounès, a répliqué aux attaques répétées des dissidents, mettant en question la légitimité des bureaux politique et exécutif. Il a souligné que les membres du bureau exécutif de Nidaa Tounes n'assisteront pas à la réunion du comité constitutif du parti, fixée pour le 3 novembre, d'autant que « cette convocation a été envoyée par huissier notaire et par une partie non habilitée à le faire ». Mohsen Marzouk a estimé, dans une déclaration à l'agence TAP, que la convocation à une telle réunion du secrétaire général du parti et d'autres membres du bureau exécutif, notamment Mohamed Ennaceur, Boujemaa Remili, Lazhar Akremi et Lazhar Karoui Chebbi, qui plus est, par huissier notaire, est inacceptable. Il a, en outre, précisé que la réunion, dimanche, à Hammamet, des membres du bureau exécutif, va examiner certaines recommandations issues du meeting de Djerba, les 17 et 18 octobre dernier. Rappelons que ce point est l'une des exigences du groupe des dissidents mené par le vice-président Hafedh Caïd Essebsi. L'autre point concerne la fixation d'une date définitive pour la tenue du congrès constitutif de ce parti créé en juin 2012 et qui a accédé au pouvoir en janvier 2015. Un parti qui coule et un pays à la dérive La dissidence est, certes, légitime, mais elle a ses règles aussi et personne ne pouvait imaginer qu'il y aura recours à de pareilles pratiques pour un parti dans lequel les Tunisiens ont placé tous leurs espoirs. Pourtant, aux dirigeants et aux dissidents de Nidaa Tounès de se rappeler que ni leur stature politique, ni leur envergure, ni encore le rayonnement de ce parti qui leur ont offert une majorité relative, lors des dernières élections législatives. Ils doivent se rappeler que c'était un vote-sanction contre Ennahdha et ses acolytes et que l'objectif était, seulement, d'éloigner la Troïka du pouvoir. Les dirigeants de Nidaa Tounès, de tout bord, doivent comprendre qu'ils sont en train de mettre en danger la survie (et non plus la vie) de ce parti qui prend de l'eau de partout, jouant le jeu de l'opposition, en général, et d'Ennahdha, en particulier, surtout que ce parti espère regagner du terrain et rétablir son leadership sur la vie politique tunisienne. Entretemps, le pays, mis entre les mains d'un gouvernement dirigé par Habib Essid et qui navigue à vue, surtout qu'il n'a aucun soutien efficace de Nidaa Tounès, court à la dérive, avec des indicateurs économiques, sociaux et financiers qui sont loin d'être au beau fixe. Avec un taux de croissance pratiquement nul, une monnaie qui dégringole face au dollar et à l'euro, des investisseurs qui nous fuient et un tourisme en pleine débandade, le paysage ne se présente pas sous son meilleur jour. Ajoutons à cela les divergences entre le patronat et les travailleurs concernant les augmentations de salaires, l'Etat qui se noie sous les dettes pour satisfaire les revendications sociales et les augmentations salariales des fonctionnaires, en plus du nombre des chômeurs qui suit une courbe ascendante, et vous avez un baril de poudre qui risque d'exploser sous votre nez, pour transformer le pays en une véritable poudrière où personne ne peut prédire l'avenir. Le président de la République tarde à trancher Dans le magma de ce conflit, l'engagement personnel de Ridha Belhaj, chef de cabinet de Béji Caïd Essebsi, aux côtés de Hafedh Caïd Essebsi ,donne matière à réflexion. Dans sa démarche, il engage la responsabilité du président de la République qui est le fondateur du parti et la seule personnalité de Nidaa Tounès à faire un peu d'unanimité, tout en étant le père du meneur des « putshistes », le vice-président du parti qui veut être l'héritier du legs politique de son paternel. Le président de la République se confine dans sa tour d'ivoire et n'a fait aucune réaction, depuis le déclenchement de ce conflit, ce qui est inacceptable et inimaginable pour quelqu'un qui a toujours déclaré que sa priorité est de mener le pays à bon port, sous sa présidence. Et comme le souligne notre confrère Ridha Kefi, du journal en ligne Kapitalis, « le silence de M. Caïd Essebsi ne peut avoir que deux explications. Ou bien il est totalement dépassé par la situation et n'arrive pas à raisonner son propre fils et le groupe d'agitateurs qui manipulent ce dernier. Auquel cas, son image de rassembleur en prendrait un grand sacré. Car que penser d'un président de tous les Tunisiens qui se révèle incapable de mettre de l'ordre dans... sa propre famille? Seconde explication plausible : Caïd Essebsi père soutient (en sous-main et par l'intermédiaire de Ridha Belhaj), Caïd Essebsi fils. Ce qui, on l'imagine, ternira aussi, considérablement et définitivement, son image d'héritier de Bourguiba et de sauveur de la Tunisie ». Des alliances douteuses et un avenir incertain Actuellement, il est loin le temps où l'on pensait que Béji Caïd Essebsi est celui qui va sauver la Tunisie et remettre sur les rails un pays à la dérive. Il a réagi pou ajouter de l'huile sur le feu et montrer une certaine incapacité ou un manque de volonté de gérer cette affaire. Une lettre, signée par 32 membres du parti, à été adressée au président de la république, Béji Caïd Essebsi. Dans leur lettre, les signataires exposent les faits en accusant le vice-président du parti, Hafedh Caïd Essebsi, ainsi que le directeur du cabinet présidentiel, Ridha Belhaj, d'avoir commandité le sabotage et engagé les milices. Les députés notent, en outre, la passivité des agents de l'ordre face aux violences. Les signataires rappellent ainsi au président de la république qu'il est le garant du respect de la Constitution et notamment des droits fondamentaux dont le droit au rassemblement. Ils appellent également Béji Caïd Essebsi à prendre une position ferme et à condamner ces événements en attirant son attention sur leurs graves répercussions sur l'unité du bloc parlementaire, la stabilité du pays ainsi que son équilibre politique et économique. Dans sa réaction, la présidence de la république n'a pas trouvé mieux que de déplorer la tentative d'impliquer le président de la république, Béji Caïd Essebsi, dans le conflit interne qui oppose des membres de Nidaa Tounès, a indiqué Moez Sinaoui, le porte-parole de la présidence, à Mosaïquefm. Sinaoui a ajouté que le président de la république est à distance égale entre les protagonistes de ce conflit. Il a également nié toute implication du directeur du cabinet présidentiel, Ridha Belhaj, (sic) dans le sabotage de la réunion du bureau exécutif étant donné qu'il est en mission à l'étranger depuis trois jours. C'est peu et c'est encore plus maladroit, parce que la situation nécessite une réaction plus énergique pour remettre chacun à sa place, surtout que c'est l'avenir du pays qu'on est en train de détruire et il est du devoir de tous de secouer tous les dirigeants de Nidaa Tounès pour les réveiller, parce qu'ils ont le destin de la Tunisie entre les mains. La force du parti est en sa cohésion et l'implosion de Nidaa Tounès ne peut être qu'un désastre surtout pour ses dirigeants qui vont tomber dans l'anonymat, parce qu'ils n'ont pas fait ce parti, mais c'est lui qui les a faits et qu'ils ne sont plus rien sans lui. Le parti Nidaa Tounès a de très nombreux ennemis et c'est de bonne guerre. Ennahdha rêve de son implosion et l'opposition de gauche clame déjà que ce parti a donné la preuve de son incapacité à diriger le pays et qu'elle représente le palliatif pour diriger le pays. Davantage de pondération et loin des intérêts personnels restreints, Nidaa Tounès a encore les moyens de sauver les meubles, surtout avec une intervention ferme du président de la République, le fondateur, s'il veut prouver qu'il a un minimum d'intérêt pour ce pays qu'il a promis de sauver.