Quelle est en principe la fonction d'un député, d'un ministre, du président ou de toute personnalité publique à fonction politique '(ou autre) dans une démocratie? Servir le peuple. La logique, toujours en son principe, est que les plus honnêtes et les plus compétents sont élus à ces fonctions. Si tel est le cas - et il est de la nature basique de toute révolution que tel doit être le cas - alors pourquoi faut-il que ces mêmes personnes jouissent de l'immunité , parlementaire ou autre? Ou qu'ils sont honnêtes et ils n'en ont pas besoin, ou qu'ils ne le sont pas et nous n'en avons pas besoin.
Il est injuste que vous representiez un peuple auquel vous donnez en théorie la possibilité de vous demander des comptes et duquel vous enlevez la possibilité pratique et concrète de vous juger; non point en termes politiques mais en termes juridiques.
Garantir l'immunité à des représentants ou supposés serviteurs du peuple, c'est ne pas donner au même peuple la chance de juger des actes -y compris éventuellement criminels - de ceux qui le gouvernent.
Sur le plan intellectuel, cette contradiction n'a jamais effleuré l'esprit libéral. Cela n'a jamis été conçu que comme 'naturel' que ces représentants soient 'immunisés'. oui, mais pourquoi? La démocratie libérale ne fournit que des réponses techniques pour au fond ne préserver qu'une injustice de base. Il n'y a pas à en être surpris dans le mode de fonctionnement de toute démocratie de forme.
Sur le plan socio-politique - et c'est l'essentiel - l'immunité ne protège pas que les honnêtes gens (qui, d'ailleurs, n'en ont pas besoin) mais aussi et surtout les auteurs d'abus sociaux, économiques ou tout simplement adiministratifs. Pourquoi doit-on leur accorder l'immunité - le temps de leur mandat (donc, assez longtemps) non seulement pour continuer leur abus mais aussi, pour certains comme c'est assez souvent le cas, pour échapper à la justice avant ou à la fin de leur mandat? C'est encore trop injuste par rapport au plus commun des citoyens!
Sur le plan psychologique, cela décourage le citoyen qui sait que, comme le disait Orwell à sa façon 'tous les animaux sont égaux mais certains animaux sont (encore) plus égaux que d'autres'? Cela contribue aussi, en profondeur, à la consécration des distinctions sociales par positions au/du pouvoir; donc à la 'sacralisation' de l'autorité. Pour 'l'immunisé', les risques sont encoe plus graves: cela l' encourage quand il est de mauvaise fibre à davantage d'abus -et ils sont souvent énormes- quand il se sait plus que protégé.
Que signifierait l'autonomie de la justice quand les crimes et délits demeurent - par la force de la loi- impunissables à durée de mandat. Certains tout simplement à jamais impunissables par la même force de la loi dans; notamment le cas de renouvellement de mandat et d'actes prescriptibles?
Sur le plan historique: Certains représentants du peuple -minoritaires dans certains modes de gouvernement, majoritaires dans d'autres - font usage de cette même immunité pour commettre des actes qui normalement tombent sous le coup de la loi.
La contradiction est double: Non seulement ces personnes trahissent la confiance de leurs électeurs et en abusent mais ils commettent en plus des abus de tous ordres. Le paradoxe qui en résulte est le suivant: On immunise - dans leur cas- le doublement criminel et l'on juge le citoyen pour tout acte; y compris fiscal ou 'd'insulte à fonctionnaire en exercice', parfois lourdement, en cas de dictature ou similaire. C'est injuste. C'est trop injuste!!
Sur le plan politique: Ce même critère permet de voir qui est qui dans ceux qui voteront ou non une décision ou décret de la sorte.
Pas une force politique ne semble aujourd'hui se soucier de cette priorité sans quoi ni l'égalité, ni la justice ni la dignité (à défaut des deux précédentes) n'ont de sens pratique. C'est plus que paradoxal, car c'est tout simplement abusif que l'on chante l'égalité et la justice sans leur donner les moyens d'appartenir à la réalité. Pas une force politique - sauf précisément ceux qui ont intérêt à ce que leur immunité se confirme chaque fois prioritaire- ne se soucie de ce fait rudement anti-démocratique. Aujourd'hui déjà, à la constituante, un député en demandait davantage. Il proposait que le représentant immunisé ne peut être arrêté qu'en état de flagrant délit. Et encore, que le parlement aura droit à demander sa libération si requis. Pourquoi donc? Le même député n'a cependant pas manqué à cette obligation aliénante de proposer que nul député ne peut être arrêté pour ses opinions politiques. C'est de l'humour de député, de la tragédie du parlement. De la comédie libérale.
Pas un révolutionnaire ou tout simplement un citoyen libre n'acceptera que cette injustice fonctionnelle et foncière continue.
Inscrivons donc cette demande à l'ordre du jour populaire. Là, le peuple aura su qui risquerait de le représenter vraiment et qui n'est là, par contre, que pour se garantir les moyens 'techniques' de se représenter, ou tout bonnement de commettre tout abus avant d'être 'présenté' (à la justice)si jamais il sera présent en ce moment post-immunitaire.
Non à l'immunité politique au sens de: non à l'abus des biens sociaux pour motif d'immunité. C'est anti-démocratique. C'est anti-droit. Parlons-en. Partageons si convaincus, car ce n'est ni exclusivement tunisien, ni simplement formel. Il y va de l'égalité des Hommes, de la justice sociale et, bien entendu, de la dignité du citoyen; bref, du rapport même entre Dire et Faire.
Sur le plan juste politique, cela permettra surtout de voir qui fait démocrate et qui ne fait que le prétendre, pour goût ou gain d'immunité. Vive la démocratie qui n'est que quand juste.