Les graves incidents dont la place Mohamed Ali a été le théâtre, le 4 Décembre 2012, au moment où l'UGTT et ses partisans commémoraient le 60ème anniversaire de l'assassinat de Farhat Hached, ont apporté leur lot de tension à une situation sociopolitique déjà largement enlisée dans la crise. La Centrale syndicale, choquée, voire traumatisée, par cette agression en règle, qu'elle juge préméditée et motivée par un parti pris politique, qui plus à un moment chargé de symbole, a réagi d'une manière virulente, à la mesure du dommage notamment moral subi. Joignant l'acte à la parole, l'UGTT a annoncé, dans communiqué rendu public le 5 Décembre 2012, qu'une grève générale nationale de protestation contre les attaques ayant ciblé son siège est décrétée, laquelle grève sera observée toute la journée de jeudi 13 décembre 2012. Virulente réaction de l'UGTT En outre, l'UGTT a réclamé d'autres mesures pour lever l'affront et réparer le tort moral causé, dont la teneur consiste à: - Poursuivre les agresseurs en justice pour répondre des actes qu'ils ont commis. - Dissoudre les Ligues de protection de la révolution dont l'implication dans les derniers événements survenus au pays, au cours des derniers mois, est avérée et dont l'appartenance aux milices agissant en toute impunité sous les ordres du parti au pouvoir, pour attaquer tous ceux qui sont porteurs d'opinions contraires, est attestée. - Présenter une plainte auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT) en vue d'entreprendre les mesures adéquates quant aux agressions répétées ciblant l'UGTT. A la lecture de ce communiqué, les principaux éléments suivants en ressortent : Discours de confrontation d'Ennahdha En réaction, les leaders d'Ennahdha ont monté sur leurs grands chevaux et développé un discours de confrontation, estimant, d'une part, que la grève générale nationale est illégale dès lorsqu'elle ne s'appuie pas sur des revendications sociales mais animée par des considérations politiques, par nature étrangères et incompatibles avec la dimension syndicale et d'autre part, qu'étant en démocratie, le rôle de l'UGTT est, à ce titre, différent que celui joué sous la dictature, allant jusqu'à accuser l'UGTT d'être noyautée par des éléments radicaux gauchistes, qui “œuvrent à créer un climat de tension dans le pays et à mettre en cause la légalité du pouvoir en place“, et en tirer la conclusion que l'UGTT est désormais un parti politique d'opposition. De leurs avis, la Centrale syndicale est censée défendre les droits des travailleurs et non investir le champ politique, prendre position et agir en conséquence. Autrement dit, l'UGTT n'a pas bien compris le contexte historique actuel de la Tunisie, se plaçant en adversaire politique au détriment son mandat social et son espace naturel. Quant à la dissolution les Ligues de protection de la révolution, associations accusées d'être inféodées au parti Ennadha, celui-ci n'a pas laissé trainer le doute sur sa position, affirmant que ces Ligues constituent “la conscience de la révolution” et, à ce titre, ne seront pas dissoutes et invitant l'UGTT à saisir la justice pour demander la dissolution. Idem Pour les présumés coupables d'attaque à la Place Mohamed Ali, il appartient à l'UGTT de porter plainte. La position d'Ennahdha ne coule pas non plus de source, pour les motifs suivants : Efforts de médiation et perspectives En tout état de cause, on assiste à un bras de fer UGTT/Ennahdha, chacun semble campé sur sa position. Il est vrai que La grève générale nationale intervient dans une phase particulièrement délicate, voire critique, pour le pouvoir mais paradoxalement le conflit oppose un part politique et une centrale syndicale, le gouvernement n'en étant pas partie prenante d'autant plus qu'à la matinée, avant l'attaque du siège de l'UGTT, cette dernière a signé avec le gouvernement des conventions de valorisation salariales. Pour d'aucuns, il n'est pas exclu que les auteurs de l'agression, outre la volonté de bafouer la symbolique de la journée de commémoration, aient pensé qu'après les augmentations de salaires, personne n'allait réagir en attaquant l'UGTT. La réponse a été de tout autre acabit et d'une ampleur et portée inégalées. Les bons offices de certains sages seraient-ils concluants ? Un dialogue franc et direct entre Houcine Abbassi et Rached Ghannouchi serait-il salutaire ? Certes le bras de fer engage l'UGTT et Ennahdha mais à quel titre, compte de la nature de ce conflit, un leader du centrale syndicale rencontre-t-il un chef d'un parti politique ? En principe, c'st avec le gouvernement qu'il censé logiquement traiter. D'ailleurs, Houcine Abbassi l'a lui-même dit sans toutefois couper les ponts ou rejeter toute opportunité de désamorcer la crise. En conclusion, tout aussi bien l'UGTT que Ennahdha sont tenus de saisir les efforts de médiation et les appels à l'apaisement pour faire la paix des braves. Il est de leur haut intérêt ainsi que celui du pays de dégager un compromis qui répare le préjudice moral subi par l'UGTT et préserve sa crédibilité et son audience. Après tout, cette dernière est la principale victime et ne peut être en aucun cas le dindon de la farce. Pour Ennahdha, dont l'image est de plus en plus écornée (mouvement “Ekbess”, manipulation des salafistes et instrumentalisation des Ligues de protection de la révolution, d'une manière alternative et ordonnée selon les aléas et développements de l'environnement politique ambiant) , c'est l'occasion de remonter la pente, de faire son mea culpa et notamment de lâcher pour de bon les Ligues de protection de la révolution dont la nuisance et l'accointance ne sont un secret pour personne. C'est à ce prix qu'on puisse fermer la parenthèse et recentrer l'attention et l'action sur les sujets d'intérêt et d'enjeu pour les tunisiens.