Mehdi Jomaâ, jusque là ministre de l'industrie du cabinet Laârayedh, n'aura certainement pas la vie facile, une fois propulsé au sommet de la hiérarchie de l'Etat tunisien. En effet, il est, tout d'abord, tenu de par les termes de la feuille de route du dialogue national de « pondre » un gouvernement de compétences et plus est, doivent être indépendants par rapport à la nébuleuse de partis politiques, chose qui devient déjà, assez rude. Ensuite, il devra faire « avaler » son cabinet à ces honorables messieurs dames de l'ANC, chose qui commence à friser l'impossible, vu que ces messieurs dames auront, certainement, leur mot à dire et ne voudront pas rater l'opportunité de discuter telle ou telle proposition, et éventuellement, pouvoir négocier le placement d'un des leurs dans les postes à pourvoir ou du moins dans les postes satellites. Puis viendra le chantier « premier » pour lequel il a été placé là où il est, à savoir garantir le passage vers les prochaines élections qui doivent se passer conformément aux attentes aussi bien au niveau national qu'au niveau des observateurs internationaux qui commencent à avoir du mal à cacher leurs doutes quant à la possibilité d'achever le moindre processus démocratique en Tunisie. Et pour mettre toutes les chances de son côté, dans cette tache, Jomaâ devra « oser » se retourner contre ses bienfaiteurs et plier aux exigences pressantes de toutes parts en limogeant toute la nuée de partisans d'Ennahdha dont elle avait truffé le moindre recoin de l'administration en vue de se garantir le résultat des prochaines élections. Donc, il sera dans l'obligation de passer son premier essai-test, à savoir revoir les fameuses nominations au sein de l'administration qui se sont produites à tort et à travers depuis plus de deux ans. Osera-t-il ? Il devra, aussi, soutirer les mosquées de l'influence des prédicateurs aux desseins louches. Comme il devra renverser la table pour obtenir qu'on lui garantisse un meilleur contrôle de l'argent politique. Et tout çà, ce n'est encore que le hors d'œuvre, car en attendant d'hypothétiques élections et l'achèvement d'un soi-disant processus démocratique, le chef du gouvernement sera appelé à garantir à ses administrés ne serait-ce qu'un minimum de survie. Le peuple demande à vivre, il demande à pouvoir manger à sa faim, il demande à pouvoir sortir dans la rue sans risquer de se faire abattre ou sauter, il demande à ce que son fils, voire sa fille puisse aller au cours sans se faire dévier vers les circuits du jihad de tout type et en tout lieu, il demande... il demande... il demande... Et c'est alors, que Si Jomaâ va s'attaquer, bien comme il le faut, au plat de résistance du menu qui l'attend. Car il devra, en premier lieu s'atteler à revoir les détails du projet de la loi de finances qui n'a pas cessé de faire couler encre et salive, et que tout un chacun redoute comme on redoute la mort. Il sera obligé d'y aménager quelques modifications s'il ne veut pas être confirmé dans l'étiquette que d'aucuns lui ont déjà collée, celle de troisième copie de la Troïka. Ensuite il devra appréhender à bras le corps, le problème de la situation sécuritaire aussi bien à l'intérieur des terres, qu'au niveau du péril qui vient des zones frontalières. Il devra faire l'effort de se démarquer du laxisme qui a caractérisé le gouvernement de son prédécesseur en matière de gestion du problème du terrorisme. Il devra, pour ce faire, donner plus de latitude aux hommes de terrain, aussi bien des forces de sécurité que de l'armée, chose qui risquerait de gêner ses donneurs d'ordres. Par ailleurs, une de ses priorités sera, sans doute, de tout faire et de réussir à contrôler la flambée des prix. Il doit pouvoir, en contre partie de la non augmentation des salaires décidée pour cette année, garantir une maîtrise exemplaire des prix des produits de première nécessité. Il devra aussi améliorer le contrôle de la contrebande et des commerces parallèles... Bref, tout un casse tête, auquel il faudra s'attaquer, et de front. Il devra, sur un autre plan, œuvrer à améliorer la situation économique du pays, en garantissant un certain équilibre de la balance commerciale, en ramenant les bailleurs de fonds qui se font de plus en plus timides, en gagnant la confiance des hommes d'affaires, si jamais « on » lui a laissé quelque chose à négocier avec eux. Ceci, bien sur, sans oublier les autres priorités comme l'assainissement de la situation sanitaire qui se retrouve régressée aux abimes moyenâgeux, et la situation sociale qui est depuis quelques temps délaissée, de même que le tourisme qui requière une attention particulière pour qu'il redevienne le premier pourvoyeur en devises, sans oublier le secteur de l'industrie du phosphate quasiment à l'arrêt depuis des mois... Bref. On ne peut que lui espérer du bon courage et que du plaisir à Si Jomaâ !