C'est cette question qui semble donner des insomnies à certains tunisiens férus du nouveau sport national, celui de vouloir, et de prétendre, tout savoir et tout comprendre. En effet, à peine quelques minutes après l'annonce du nom, jusque là très peu connu, de Mahdi Jomâa, comme étant celui de l'heureux élu qui a su obtenir autour de lui un maximum de consensus, bon nombre de tunisiens se sont rués sur les sites de type « Wikipédia », pour essayer de connaitre un tout petit peu mieux le bonhomme. Savoir qui il est, d'où il est originaire, de quelle formation il est, s'il était marié, s'il avait des enfants, où il créchait... Bref, on voulait tout savoir sur cet homme, qui a été sorti tel un lapin blanc du chapeau d'un prestidigitateur, alors qu'on s'y attendait le moins. Et puis, surtout, on voulait savoir qui l'a, justement, mis dans ce chapeau et sorti au moment judicieux. On consulta les sites internet, on se donna des coups de fils entre amis entre parents, pour savoir qui pourrait le connaitre. Les plus hardis ayant même fait le déplacement au bas de chez lui pour obtenir en scoop, une interview de l'intéressé. Puis, les réponses commencèrent à pleuvoir, par gouttes, puis en averses. Il ne pouvait être que le poulain caché d'Ennahdha. Çà, au moins, c'était sûr ! Comment, pourquoi ? Tout simplement parce qu'Ennahdha n'aurait jamais laissé monter quelqu'un qu'elle ne maîtrisait pas, pardi ! Ensuite, vint le moment des surenchères, c'était à qui donnait plus de renseignements sur le type, pour prouver son alliance, à défaut d'appartenance, à la mouvance islamique. On commença par des suppositions, puis par des déductions de circonstance : Il était à l'ENIT ! Alors c'est simple, 80% des étudiants de l'ENIT sont des nahdhaouis. D'ailleurs, pourquoi chercher trop loin ? Il ne peut qu'être nahdhaoui, sinon, il n'aurait jamais fait partie du cabinet Laârayedh ! En fin de soirée, et probablement à court d'arguments, on plongea dans la fiction. Comme quoi, il s'est avéré qu'il était le gendre de Mohamed ben Salem le bien aimé, et du même coup, le beau frère du mieux aimé Ben Hmidane. Rebondissant sur ces échos, l'opposition ne tarda pas à afficher son hostilité au bonhomme, annonçant qu'il formera la 3ème copie de la Troïka, qu'il était hors de question d'accepter un des ministres « défaillants » du gouvernement défaillant de Laârayedh... Les hommes d'Ennahdha ont bien répliqué que ce type, ils ne le connaissaient ni d'Eve ni d'Adam. Certains sont allés jusqu'à montrer un certain scepticisme quant à sa nomination. D'autres plus pondérés, ont déclaré qu'ils allaient attendre pour voir comment il allait se comporter avant de lui donner la bénédiction... De leur côté, les pages des réseaux sociaux connues pour leur allégeance au parti au pouvoir, se sont évertuées à lui lancer des accusations, et des critiques, histoire de laisser comprendre qu'ils ne supportaient pas cette nomination et que le bonhomme ne leur convenait pas. Puis ces cyber militants sont passés à la vitesse supérieure en jetant des accusations à gauche et à droite pour coller la proposition de Jomaâ à une quelconque partie. On en accusa, un certain moment Wided Bouchammaoui, et même certains hommes de l'ombre, laissant entendre qu'il était soutenu par des forces occultes d'au-delà des mers et océans... Mais il fallait bien plus que cette propagande de déni amatrice. Il fallait impliquer un grand calibre de la communication, pour convaincre les gens que Mahdi Ben Jomaâ n'était pas le poulain d'Ennahdha, et pendant qu'on y était, il fallait aussi, lui coller une autre étiquette. C'est alors que la délivrance vint à point nommé, de la plume d'un grand reporter d'un non moins grand nom de la presse internationale : le sacro-saint « Le Monde », qui mine de rien, jeta son pavé dans la mare, en assurant, par la plume de son envoyée spéciale à Tunis, que Mahdi Jomaâ n'était ni plus ni moins, que le protégé des puissances occidentales européennes et des USA. Voilà ! Comme çà, tout simplement. Et pour étayer cela, le reporter s'appliqua dans des méandres de suppositions bâties sur des faits qui n'ont rien à voir avec le sujet, ni entre eux, d'ailleurs. A la croire, on jurerait qu'une petite pause Méchoui, sur la route de Béja aura suffi à propulser un inconnu au sommet de l'Etat tunisien ! Sacré Méchoui ! Il faut dire, aussi, que depuis un certain moment, « Le Monde » ne semble plus reculer devant le ridicule, quand il s'agit de prendre la défense d'une certaine confrérie internationale, à la cause de laquelle, il semble désormais acquis. Cela date, entre autres, depuis les aventures des reporters du quotidien en Syrie, qui ont persisté à vouloir présenter des preuves d'atrocités qui n'ont existé que dans leur imagination, motivées peut-être par leurs nouvelles amitiés dans les pays des petro dollars ? Alors, oui ! Pourquoi veut-on que « certains » se privent des services d'un calibre comme « Le Monde » acquis à leur cause, quand il peut d'un seul article, semer le trouble dans la tête du tunisien, et décharger Mahdi Jomâa de son étiquette de pro-Nahdha ? Mais au final, tout de même, qui donc a bien pu placer en orbite le jeune mahdi Jomâa ? Et pour quel dessein ?