Comment voudrait-on qu'il réussisse Mehdi Jomâa, dans la lourde tâche qui lui a été assignée ? Il a beau avoir toute la bonne volonté du monde. Il a beau avoir l'appui de la plupart des tunisiens, et même (et surtout), des autres. Il a beau avoir, à ce qu'il parait, la bénédiction des cieux, à en juger de l'abondance de pluies qui a accueilli son arrivée à La Kasbah, comme un signe du soulagement des cieux du départ de ceux qui auront quelque part déclenché la colère de Dieu. Il a beau avoir tous ces atouts, Mehdi Jomâa ne pourra, probablement, pas venir à bout des chantiers qu'il s'était fixés. Il a si bien qualifié son cabinet de gouvernement « commandos » en allusion à la difficulté de la tâche et l'urgence de l'action. Il s'agit, donc, pour lui de démarrer sur les chapeaux de roues, et d'entamer une course folle contre la montre, et contre les obstacles, mais pas seulement contre çà, à ce qu'il faudrait redouter. En somme Mehdi Jomâa aurait l'intention de s'engager dans une course de Formule un, au volant d'une vieille citadine, au moteur encrassé, et qui plus est, à la quelle « on » aurait substitué les pièces maitresses du moteur par des pièces de récup ramassées dieu sait où. En effet, le moteur sur lequel il va falloir compter, qui est l'administration tunisienne est à l'agonie. Et ce, pour, essentiellement, deux raisons. D'abord, les éléments qui étaient opérants dans les différentes administrations, ont été qui licenciés, qui mis à la retraite, qui humiliés et exposés à un lynchage public, et tous taxés de « caciques » et d'autres qualificatifs. L'administration s'est du coup, trouvée vidée de ses compétences et des gens expérimentés. Elle a, par la suite été remplie à ras bord, par des inconnus, des bleus, des incompétents, des ignorants de tous les mécanismes vitaux de l'Etat. Ils ont été intégrés dans une administration déjà trop chargée, et ont, de surcroit, été placés au sommet de la hiérarchie pour, soi-disant, les dédommager des préjudices subis sous les régimes qui avaient précédé. Et dans ce registre, les chiffres sont éloquents : Il faudrait savoir que l'administration tunisienne a été grevée de pas moins de 25000 nouveaux recrutements, dont 18000 bénéficiaires des la loi d'amnistie générale. Et dire que Mehdi Jomâa lance appel sur appel à l'élite du pays pour qu'elle reprenne le chemin du boulot ! De quelle élite il parle ? De celle qui a été écartée, huée, humiliée, lynchée, et mise au ban ? Ou, encore, de celle qui est restée tapie au fond de sombres couloirs, dégoûtée et surtout, démotivée ? Démotivée car elle avait appris que les promotions et les récompenses venaient à qui savait faire preuve de compétence et de sérieux et acharnement au travail, et pas à ceux qui sortent des prisons ou qui reviennent de l'étranger. Démotivée, aussi, car la pyramide de la hiérarchie de l'administration a été saturée à tous les niveaux supérieurs, de façon à ce que celui qui voudrait faire des efforts, doit savoir qu'il les fait au bénéfice de ses « supérieurs » venus de nulle part et parachutés d'on ne sait où, sans aucune possibilité pour lui d'aspirer à la moindre promotion puisque les postes sont tous pris. Alors, oui, Mehdi Jomâa ne pourra, probablement, rien tirer de cette administration avec cette « élite » fraichement installée aux postes clés, pour la simple raison que ces gens ne connaissant rien au travail qui est attendu d'eux, ceci, dans le cas où on les fait bénéficier de préjugés favorables en ne disant pas qu'ils vont tout faire pour contrecarrer les efforts du gouvernement, histoire de dire que cette soi-disant équipe de compétences, ne va pas pouvoir réussir là où leurs partis et leurs « patrons » ont échoué. Voilà pourquoi, le « décrassage » de l'administration ne doit en aucun cas se limiter à quelques délégués et quelques gouverneurs, il doit intéresser tous les niveaux de l'administration minée par les nominations « abusives ».