«Je suis prophète et semeur de doutes». Retenez cette citation; il sera peut-être de bon ton de la ressortir jeudi. Son auteur, le poète syrien Adonis, est le favori des bookmakers pour l'obtention du prix Nobel de littérature. Si on imagine que le prix Nobel de la paix va forcément revenir à un des acteurs majeurs du Printemps arabe (les peuples en général, Internet, des activistes, des blogueurs, etc), cela pourrait aussi le cas du prix Nobel de littérature. A ce titre, Adonis (ou de son vrai nom Ali Ahmed Saïd Esber) qui a demandé dans une lettre ouverte au président Bachar Al-Assad de démissionner, semble en apparence être un candidat légitime, au-delà de ses qualités littéraires. Né en 1930 près du port de Lattaquié, il prend la nationalité libanaise en 1961 lorsqu'il s'installe à Beyrouth. Traducteur en arabe de Michaux et de Saint-John Perse, il connaît au début des années 80 les bombardements de la capitale libanaise. Là, comme, le raconte l'écrivain André Velter, «il témoigne quotidiennement de la dignité de la parole poétique, de son pouvoir de résistance et de sa capacité à faire toujours provision du réel y compris par temps de barbarie». Une grande partie de son œuvre est centrée autour de ces idées de résistance, courage et impertinence face aux pouvoirs établis, étatiques, religieux ou poétiques. Considéré comme l'un des plus grands poètes arabes vivants, il vient de recevoir le 28 août dernier le prix prestigieux prix Goethe. Pourtant, s'il est élu, malgré ce passé glorieux, des critiques risquent de se faire entendre. Certains lui reprochent d'avoir attendu trop longtemps avant de protester contre le pouvoir syrien – et de le faire trop mollement.