Que dire devant l'absurdité, sinon faire comme Sisyphe : la défier ?! Albert Camus concluait son essai sur ce mythe par la phrase : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». Celle-ci n'est pas à prendre au sens du bonheur passif qui donne l'illusion d'une satisfaction banale ; mais celui de la conscience de devoir faire ce qu'il faut, en toute circonstance. C'est bien cela que doit être aujourd'hui le bonheur certain de tous les Tunisiens qui méritent ce nom : le bonheur de peindre la douleur des couleurs de la mobilisation générale pour la lutte contre le terrorisme absurde et la violence bête. Ainsi seulement ils auront honoré la mémoire des martyrs du pays, victimes de la folie inhumaine des obscurantistes ; ainsi seulement la mort de nos vaillants concitoyens aura servi à quelque chose. Ce triste mardi du 24 novembre 2015, la Tunisie est encore une fois tragiquement frappée dans son être même, en plein jour et au centre de sa Capitale, dans un corps des plus prestigieux de ses instances. Pourtant, nul héroïsme n'est à y voir pour les exécutants de cet acte. Il n'est pas moins banal que celui qui jette une peau de banane sur la voie publique et qui s'enfuit en courant. Cependant la douleur qu'il laisse est grande, et la leçon à en tirer devrait l'être tout autant. La vigilance surtout. Je ne doute pas un instant de l'immensité des efforts fournis par nos forces militaires et sécuritaires contre ce cancer social, mais la vigilance nous impose de ne rien négliger. Absolument rien, tout en prenant garde à l'anguille qui serait sous la roche et au train qui en cacherait un autre. A ce propos, je ne peux pas ne pas évoquer une situation qui me paraissait des plus curieuses et à laquelle je trouve aujourd'hui une explication. Je parle évidemment de la menace de mort qui pèserait (aurait pesé le temps qu'il fallait) sur notre ancien président provisoire Moncef Marzouki !!! En apprenant cette information, je l'ai trouvée franchement absurde, car rien ne justifierait que les terroristes s'en prennent à M. Marzouki. Il n'y a qu'à réexaminer ses « performances » durant la traversée du Palais de Carthage pour comprendre l'absence de tout lien logique entre la menace et la personne menacée, du point de vue que ceux qui seraient les auteurs de la menace. Non que M. Marzouki, comme d'aucuns l'ont pensé, soit lui-même, ou l'un des siens, derrière ce coup spectaculaire, pour une tentative de retour sur la scène médiatique, prélude à un retour politique ! Mais la recherche d'un lien entre l'acte de mardi et l'information de la veille ou presque n'est pas dénuée de fondement. Ne serait-ce pas justement un dérivatif pour tromper la vigilance sécuritaire et la détourner vers une fausse piste ? L'ancien président est informé, de la menace le concernant, par la garde sécuritaire ; il répond officiellement par une fin de non-recevoir en refusant de signer l'accusé de réception de l'information ; puis, c'est la campagne médiatique au centre de laquelle la Présidence et surtout la sécurité présidentielle sont montrées du doigt. Puis vient le coup de mardi contre la garde présidentielle avec la cruauté que l'on sait !!! Je ne suis pas spécialiste de ces questions ; mais ceux qui le sont auraient tout intérêt à s'y pencher pour éclairer leurs propres lanternes et les nôtres aussi. En attendant, la vigilance citoyenne doit être de règle et la convergence des efforts vers l'objectif majeur, celui de l'éradication du terrorisme dans notre pays, doit constituer le principal mot d'ordre de nos politiques, toutes tendances et tous secteurs confondus (sauf les partisans du terrorisme), et surtout de notre éthique civile et citoyenne.