Le dernier rapport de PISA (acronyme pour programme international pour le suivi des acquis des élèves), qui est un ensemble d'études de l'OCDE visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et partenaires, vient de placer le Brésil, le Mexique, l'Indonésie et la Tunisie parmi les pays les moins performants sur le plan qualitatif, de souligner les lacunes des apprenants tunisiens dans les compétences de base (lecture et calcul) et de mettre l'accent sur le phénomène de l'abandon scolaire, très répandu dans notre pays parmi la tranche d'âge de plus de 15 ans (30% quittent l'école à cet âge). Fait plus grave, révèle l'étude internationale, 50% des jeunes tunisiens de 15 ans, encore scolarisés, arrivent tout au plus au niveau 1 sur l'échelle de maîtrise des compétences clefs qui en compte 5. A la fin, d'après cette expertise, les 2/3 de notre jeunesse, dont le cursus scolaire se confond avec l'enseignement général, est plus près de l'illettrisme que des requis d'un emploi dans une économie mondialisée, éprise d'échanges, d'innovations et de découvertes. Ce qui implique une prise de conscience des enjeux sociaux futurs liés à la qualification, à l'employabilité et à l'insertion dans les rapports de production en phase avec la réalité économique nationale et internationale. «Les pratiques actuelles dans les classes sollicitent la mémoire au détriment de la réflexion et favorisent le formalisme au détriment du sens, décourageant ainsi l'initiative personnelle et la démarche intuitive», nous dit une source au Centre national d'innovation pédagogique et de recherches en éducation, qui met en cause, de ce fait, l'aspect qualitatif de notre enseignement et ses incidences inéluctables sur la formation des élèves, s'interroge sur l'efficacité des réformes engagées depuis deux décennies et dénonce les insuffisances en matière de méthode, de structures, d'outils d'évaluation et de pilotage. Au fait, une synthèse des statistiques enregistrées sur le site du ministère de l'Education révèle les difficultés, rencontrées notamment chez les garçons, dans le passage de l'enseignement de base vers les lycées du secondaire. Cette bifurcation, d'après le recensement de l'Institut national des statistiques (INS), est à l'origine d'un taux d'abandon élevé et de résultats relativement faibles, en deçà des attentes des parents surtout dans les gouvernorats de Jendouba, de Zaghouan, de Sidi Bouzid, de Kasserine et de Kairouan. Il s'agit, apparemment, d'un tournant, négocié d'une manière nettement plus favorable chez les jeunes filles, qui font preuve de grandes capacités d'adaptation, agissent généralement dans la discipline et la rigueur, s'accrochent aux études et à la performance becs et ongles et sont déjà majoritaires au secondaire (depuis 1995) et à l'université (surtout dans les filières des sciences humaines) à hauteur de 60% de l'ensemble des effectifs estudiantins. Quant à l'examen du baccalauréat, certaines sources indiquent que plus de 90% des candidats (section Lettres) sont dans l'incapacité d'obtenir la moyenne en langues arabe, française et anglaise, ce qui en dit long sur la problématique de l'orientation vers certaines filières, dévalorisées à la base et de la formation pédagogique au niveau du tronc commun. D'ailleurs, pour certaines instances internationales, liées à l'amélioration de la performance éducative à travers le monde, les taux de réussite au baccalauréat, affichés à la fin de chaque année scolaire en Tunisie, sont artificiels, tirés vers le haut grâce à une décision administrative, puisque plus de 50% des bacheliers sont rachetés. Finalement, si les candidats tunisiens au baccalauréat sont pour la plupart des étudiants en puissance, l'expérience montre leur impréparation à intégrer n'importe quelle filière universitaire. Il serait judicieux, donc, en amont, de revaloriser le bac pour en faire un des cheminements des lycéens vers un avenir professionnel mûrement réfléchi, choisi; et, en aval, de permettre aux différentes facultés du pays, parsemées sur le territoire national, d'offrir des parcours de formation souples, adaptées à un public estudiantin hétérogène, d'assurer des passerelles entre les niveaux et les cycles et d'améliorer la cohérence et la complémentarité entre les filières. Afin de mieux coller aux métiers de demain, de s'arrimer à la mondialisation avec les meilleurs atouts et de réussir le pari de l'employabilité.