Face à une situation économique et financière aussi alarmante, une cure d'austérité semble inéluctable pour éviter au pays le défaut de paiement tant ce risque est devenu de plus en plus évident et inquiétant. D'importantes échéances de dette se profilent alors que les caisses de l'Etat suffisent à peine à satisfaire les dépenses courantes, entre salaires, moyens de services, transferts et investissements. Au cours du 1er trimestre 2021, l'Etat n'avait pas de quoi payer en totalité les échéances d'intérêt de la dette (1 100 MD environ). Il lui manquait les deux-tiers de ce montant. Que dire alors du principal d'un montant d'environ 1 600 MD. Il a fallu emprunter massivement sur le marché intérieur pour satisfaire tous ces besoins de dépenses de l'Etat. Le plus préoccupant, c'est que ce phénomène s'est probablement amplifié durant ce deuxième trimestre de l'année et risque de l'être davantage encore au cours des prochains trimestres dans la mesure où les échéances de dette seront d'un montant autrement plus important. Sur un total de plus de 15,5 milliards de dinars de service de la dette, seulement 2,7 milliards de dinars ont été acquitté. Le gouvernement doit trouver le reste dont près de 7 milliards d'échéances extérieures. Or la capacité d'endettement de l'Etat semble atteindre ses limites. Les derniers déplacements de membres du gouvernement aux Etats-Unis comme au Qatar et même du Chef du gouvernement au Qatar, dans la mesure où ils représentent les plus importants créanciers à honorer cette année, ne visaient pas autre chose que de tenter d'obtenir une sorte de crédit-revolving auprès de l'un et de reporter le remboursement des échéances pour l'autre par toute autre formule. N'ayant pas fait l'objet de communication de la part des autorités, les résultats de ces visites laissent supposer qu'ils ne sont pas satisfaisants. En tout cas pas comme pouvait l'espérer les autorités. Dans ces conditions, on comprend mieux la décision du gouvernement d'engager une série d'ajustement des prix de certains produits administrés ou subventionnés. Avait-il d'autres choix visant des économies de dépenses et partant dégager des marges budgétaires qui réduirait ses besoins d'emprunt pour satisfaire ses échéances de dette ? Les précédents gouvernements avaient une autre possibilité, celle d'agir sur le budget d'investissement en cas de difficulté de financement. Le budget d'investissement de l'Etat a constitué pour les gouvernements successifs une salutaire variable d'ajustement budgétaire. Aujourd'hui, cette alternative a atteint ses limites. A cet égard, la publication des résultats provisoires de l'exécution du budget de l'Etat au cours du 1er trimestre 2021 est édifiante. Sur un total de dépenses de 8 580 MD effectuées durant cette période, seuls 415 MD ont été affectés à des dépenses d'investissement, soit 5%. Avec un tel ratio, il est déjà illusoire de considérer que l'Etat puisse jouer le rôle de locomotive de la croissance et de réduire en conséquence le poids de son endettement.
Visiblement, c'est plus par résignation que le gouvernement de Hichem Mechichi va être amené à réviser les dépenses de subvention dans son budget par une série d'ajustements à la hausse des prix de certains produits subventionnés. Certes, il pouvait s'attaquer au budget des rémunérations. Mais, il n'a pas osé par crainte d'une violente réaction de l'UGTT. Cependant, il ne serait nullement étonnant qu'un des ces prochains mois il y sera éventuellement obligé. Pour l'heure, les récentes augmentations de prix de certains produits subventionnés ou administrés en préfigurent d'autres. Et déjà les réactions ne se pas fait attendre pour dénoncer cette démarche alors qu'elle constitue la seule voie, pour le moment, d'éloigner le pays du risque du défaut de paiement. L'UGTT, comme s'il fallait s'y attendre, s'est fendue d'un communiqué incendiaire contre le gouvernement, jalonné de menaces à peine voiler et de mises en garde claires, oublieuse du coup que cela pourrait faire voler en éclat sa propre initiative d'un dialogue national pour sortir le pays de la crise. Ce qui, dans le même temps est assez surprenant, c'est le silence des partis politiques soutenant le gouvernement. A ce jour, on ne relève aucune prise de position de leur part. Ni d'ailleurs des autres courants politiques représentés au parlement. Pourtant celle-ci est déterminante sinon crucial pour le futur. Certes, tous ceux qui rechignent à une telle option du gouvernement ne manqueront pas de rappeler et d'avertir que cette démarche ne manquera pas de relancer l'inflation et ses conséquences en termes de perte de pouvoir d'achat et donc d'un frein à la consommation et au bout du compte d'un ralentissement supplémentaire du rythme de croissance économique. Cependant, n'imaginent-ils pas que cette inflation serait bien plus préférable à celle que provoquerait une création monétaire fictive, c'est-à-dire l'utilisation de la planche à billet par le gouvernement pour pouvoir satisfaire les besoins budgétaires actuelles ? En tout cas, ces augmentations de prix des produits subventionnés et les réactions qu'elles ont suscitées donnent quelque peu la mesure des prédispositions des uns et des autres à consentir les sacrifices pour redresser le pays. Elles ne sont franchement pas encourageante pour le gouvernement.