Le flou et l'instabilité en Tunisie ont eu des conséquences désastreuses sur la vie politique. Les partis ont été les premiers à subir les conséquences de l'annonce des mesures du 25 juillet 2021. Par la suite, ce sont les organisations nationales qui ont commencé à vivre des conflits internes ou encore à faire l'objet de campagnes. C'est le cas de l'Union tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche (Utap) dont le président, Abdelmajid Ezzar, avait fait l'objet d'une enquête à la date du 28 janvier 2022. Leila Jaffel, ministre de la Justice, qui avait ordonné conformément aux instructions du président de la République à cette date-là, l'ouverture de l'enquête. Abdelmajid Ezzar avait été accusé de spéculation et de détournement de deniers publics. Plusieurs personnes ont considéré qu'il s'agissait d'une manœuvre purement politique en raison de la proximité entre Abdelmajid Ezzar et le mouvement Ennahdha, principal opposant au chef de l'Etat, Kaïs Saïed. Cette interprétation fut renforcée par la quasi-absence de rencontres ou d'échanges entre la présidence de la République et l'Utap. Le membre de l'Utap, Anis Kharbeche, avait même dénoncé, dans une déclaration médiatique du 6 avril 2022, une exclusion de l'organisation. Quelques jours après, une délégation a été officiellement reçue par le chef de l'Etat. Néanmoins, cette rencontre n'a pas mis fin aux rumeurs et aux interprétations puisque le président de l'Utap, Abdelmajid Ezzar, n'était pas présent. Le vice-président de l'organisation, Noureddine Ben Ayed, était quant à lui présent. Il se trouvait à droite du président. On pouvait constater à travers la posture du chef de l'Etat dans une vidéo publiée par la présidence de la République que ce dernier s'adressait principalement à Ben Ayed. Le vice-président avait insisté, par la suite, sur le succès de la rencontre et sur l'importance de la participation au dialogue national. On apprendra quelques jours après que le président de l'Utap, Abdelmajid Ezzar n'a pas été invité par la présidence de la République. Ainsi, le président de la République avait choisi de forcer un changement au sein de l'une des organisations nationales les plus importantes du pays tel qu'il s'était entêté à le faire à la date du 25 juillet 2021 et par la promulgation du décret n°117 du 22 septembre de la même année. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette stratégie et de sa concrétisation, le président de la République, Kaïs Saïed a continué à s'entretenir avec le vice-président de l'Utap, Noureddine Ben Ayed, mais en tête-à-tête. Cette rencontre a représenté un tournant important dans l'alimentation du conflit interne au sein de l'Utap. Ainsi, quelques jours après cette rencontre, le vice-président de l'Utap a décidé de tenir une réunion du conseil central de l'organisation durant laquelle il s'est offert le poste de président de l'organisation. Il a, également, déclaré que le chef de l'Etat lui avait demandé de purger l'Utap de son président qui l'avait contrarié. Ben Ayed s'est empressé d'appliquer les directives de Kaïs Saïed et s'est plié à ses demandes pour garantir la participation de l'Utap au dialogue national. Une déclaration qui a secoué la scène politique surtout qu'elle émanait d'un président ayant multiplié les critiques quant à l'ingérence de forces étrangères et ayant insisté sur l'importance de respecter le principe de souveraineté. Bien-évidemment, cette décision n'a pas plu à Abdelmajid Ezzar. Il a essayé de stopper cette manœuvre et de s'imposer comme président légitime de l'organisation. Il a affirmé la nullité de toute réunion ayant abouti à l'élection de Ben Ayed comme nouveau président de l'Utap et a saisi la justice tunisienne pour mettre fin à cette manœuvre. Depuis quelques jours, le conflit s'est transformé en véritable guerre médiatique. Elle tourne autour d'échanges d'accusations de trahison et de corruption entre le clan Ezzar et le clan Ben Ayed. Ainsi, le président de la République a réussi à disloquer l'Utap et à en faire un champ de bataille pour une petite guerre tournant autour du poste de président et d'une volonté de s'attirer les bonnes grâces de Carthage. Le même phénomène pourrait être observé au sein du reste des organisations nationales. Un conflit commence à s'installer au sein de l'Ordre national des avocats de Tunisie. La nomination du président de l'organisation, Brahim Bouderbala, à la tête d'un comité consultatif chargé des affaires économiques et sociales avait provoqué la colère d'un bon nombre d'avocats tunisiens. Le membre du comité national de l'Ordre national des avocats de Tunisie, Hassen Toukabri, avait exprimé sa grande surprise quant à cette annonce. Il a expliqué que plusieurs de ses collègues refusaient cette nomination et considéraient que Brahim Bouderbala ne devait pas y participer. Il a expliqué que la fin du mandat de Bouderbala approchait et que cette nomination était une véritable farce. C'est, donc, un clan en opposition à Bouderbala qui commence à se former au sein de l'ordre des avocats et qui finira lui aussi par causer la perte de cette organisation.